publier et republier… le rêve ?

C’est le New York Times qui l’annonce, sous le titre « des articles de Newsweek sur la campagne électorale transformés en eBooks pour le Kindle d’Amazon » :

« Cela ressemble à un rêve pour magazine en ces temps de restrictions : Prendre quelquechose que vous avez déjà publié, déjà vendu, le repackager et le distribuer sans toutes cette dépense de papier, d’encre et de camions de livraison, et pouvoir le vendre à nouveau.

Cette semaine, l’hebdomadaire Newsweek va publier quatre livres, chacun d’entre eux sur les principaux candidats à la présidence et à la vice présidence – les sénateurs John Mac Cain, Barack Obama, Joseph Biden et le gouverneur Sarah Palin – des livres qui ne paraîtront pas sous forme imprimée mais seront uniquement disponibles sous forme de livres numériques, et exclusivement sur le site Amazon à destination du Kindle.

Ces livres seront composés des articles que Newsweek (propriété de la Washington Post Company) a déjà fait paraître durant la campagne. Tranformer une série d’articles en livre est une vieille idée : ce qui est nouveau est de la faire avec des coûts de productions et de distribution qui font que même un petit nombre de ventes permettront la rentabilité.

Amazon déclare que c’est probablement le premier partenariat de ce type, et ce n’est certainement pas le dernier. »

L’auteur du billet le dit, le fait de transformer des textes publiés dans un média « de flux » en livre, ce qui leur offre un statut documentaire différent, n’est pas une nouveauté. Ce qui est nouveau, c’est la vitesse de réalisation et la minimisation des coûts permises par le numérique. (Quoique la fabrication desdits livres numériques n’a certainement pas un coût négligeable…) A noter aussi, et déjà pointé dans ce blog et ailleurs, le choix de l’exclusivité : de fait, cela réduit le nombre de lecteurs potentiels, mais chacun des partenaires doit y trouver son compte, Amazon avec du contenu exclusif, peut espérer attirer des nouveaux acheteurs pour le Kindle, Newsweek qui cible les possesseurs de Kindle et bénéficie de la communcation qui entoure l’événement.

Il est fort probable que l’édition numérique va donner lieu, et pas seulement pour la presse, à des réutilisations de plus en plus fréquentes. Déclinaisons sous diverses formes, diffusion de certains ouvrages au chapitre, livres personnalisés ou composés par l’utilisateur… Mais il est nécessaire de le rappeler : pour que de telles réutilisations soient effectivement faciles à réaliser et peu coûteuses, quelques préalables sont nécessaires. Cela nécessite la mise en place d’une « gestion des flux éditoriaux » (workflow), l’idéal étant d’aller vers l’édition structurée. Rien de magique, on est loin du « rêve » dont parle le New York Times… Au contraire, beaucoup d’investissements, de la formation, des changements en profondeur dans les façons de travailler.

Repéré chez Joe Wikert (qui vient de quitter Wiley pour rejoindre O’Reilly.
Bruno Rives en parle également, et je lui aurais bien piqué son illustration, mais j’en ai déjà utilisé la version détournée sur ce blog.

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du papier au numérique, du numérique au papier

Il ne s’agit pas d’un scoop (La Feuille le signalait déjà le mois dernier), l’université du Michigan s’est équipée d’une Espresso Book Machine. Elle n’est pas très jolie, la EBM ( peut-être la version 2 annoncée pour 2009 bénéficiera-t-elle d’un meilleur design ? ), mais elle vous imprime à la demande et vous relie un livre de 300 pages en 7 minutes…

On peut lire sur le site de la bibliothèque de l’université :

« Après tant d’effort pour faire passer nos livres de l’imprimé au numérique, vous pourriez vous demander pourquoi nous investissons dans une machine qui va faire passer nos livres du numérique à l’imprimé. Nous croyons que la meilleure forme pour un livre, plutôt qu’une forme unique qui serait la solution à tout, varie en fonction des usages et des utilisateurs. Parfois un livre numérique, auquel nous pouvons accéder partout, tout le temps et dans lequel nous pouvons facilement effectuer des recherches est exactement ce dont nous avons besoin. En d’autres circonstances, la forme idéale d’un livre est un exemplaire imprimé qui favorisera une lecture suivie, dont la matérialité servira de point de repère au souvenir de notre expérience de lecture, ou qui pourra facilement passer de main en main. »

J’apprécie cette mise en perspective à propos de la forme d’un livre, qui rejoint les discussions qui ne sont pas près de se tarir à propos du « Terminal Définitif pour Les Lectures Numériques », (voir « La Controverse du Grille-Pain »). Pas seulement sur nos blogs, mais partout où l’on se réunit pour travailler sur des projets touchant au livre numérique. Tétanisés par le succès du iPod dans la musique, on n’en finit pas de guetter le Killer Device, celui qui va créer la rupture, qu’on mourra d’envie de posséder, qui saura convaincre massivement les lecteurs de basculer vers la lecture numérique. On ne le dira jamais assez, il n’y a pas « une lecture » mais « des lectures », « un livre » mais « des livres », « un lecteur » mais « des lecteurs ». Il y a aussi, ce que souligne l »extrait ci-dessus, des moments, des circonstances de lecture fort variées, et cette multiplicité d’usages peut nécessiter la coexistence de modalités différentes de restitution des textes : liseuses, mobiles, netbooks, PC, livres imprimés. Peu importe, en définitive, comment les lecteurs préféreront les lire : les livres devront être disponibles pour toutes les lectures, sans exclusive.

Concernant l’EBM :

– on la trouve aussi dans des librairies : exemple de Blackwell au Royaume-Uni.
– le site du constructeur
– un billet très complet paru il y a quelques jours sur Information Today.

Quelques minutes plus tard : l’idée de parler à nouveau d’EBM m’est venue ce matin en suivant un lien posté par Alain Pierrot sur Twitter, Alain qui vient de poster quasi simultannément lui aussi un billet à propos de l’EBM…

J’éviquais le design de la future version : Alain m’envoie un PDF avec cette image, il y a du progrès…

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Le futur est un pays étranger

Timo Hannay travaille pour Nature Publishing Group (qui édite la fameuse revue scientifique Nature), où il dirige Nature.com. Dans une conférence donnée à ALPSP International Conference 2008, Timo Hannay établit une comparaison entre un « digital migrant », et un migrant au sens géographique du terme. ( Migrant dans la vraie vie, et, en France, exposé à ce type de traitement )

Il utilise pour cette comparaison ses souvenirs de migrant au Japon, où il dut séjourner plusieurs années alors qu’il achevait ses études. Il raconte tout d’abord le choc de son arrivée au Japon, ( sa conférence est illustrée de photos, voir le billet original) puis l’attitude qu’il a adoptée vis à vis de toute l’étrangeté de ce pays, et mentionne le fait qu’il a épousé une japonaise. Puis il en revient au monde de l’édition, car ce long détour était destiné à faire passer cette idée que ceux qui travaillent dans une maison d’édition vont devoir migrer, eux aussi, migrer « vers le futur », ce qui implique un état d’esprit similaire à la migration vers un pays étranger :

« C’est presque aussi difficile pour une maison d’édiion de devenir une entreprise technologique que ça l’a été pour moi de devenir Japonais. Mais si l’information est devenue notre métier, et c’est le cas, alors maitriser les technologies de l’information n’est pas une simple option, c’est un enjeu central pour notre avenir. Pour faire face à ce défi, je crois que nous ferions bien de nous appliquer ces maximes qui ont bien réussi aux immigrants dans le monde réel :

– Apprendre la langue
– Respecter les nouvelles normes culturelles
– Ne rien considèrer comme un dû
– Travailler dur
– Ecouter, apprendre, s’adapter. « 

Il évoque auparavant quelques uns des projets web développés par Nature.com.

« Tous ces projets sont – ou ont été – expérimentaux. Nous ne les avons pas lancés avec une confiance aveugle, en nous disant « si nous le construisons, ils viendront », mais en pensant plutôt « Si nous ne le construisons pas, nous ne saurons jamais ». Nous avons agi comme des scientifiques, utilisant ces projets pour essayer quelque chose qui s’appelle le web et que nous essayons de comprendre. Dans ce contexte, l’ échec est non seulement acceptable, il est inévitable, et nous essayons de l’éviter en faisant du bon boulot, et non en évitant les paris risqués.

Derrière cette série de projets, il y a cette idée que le passage d’une distribution basée sur l’imprimé à une distribution en ligne n’est que le premier pas d’un parcours bien plus long. En faisant ces choses, nous faisons des choses auparavant réservées à – et donc nous sommes en compétition avec – les broadcasters et les développeurs de logiciels. Si cela ne vous fait pas peur, c’est que vous n’avez pas bien compris ce qui se passe. Mais si vous vous dérobez à ce combat, alors vous aurez perdu par forfait.

(Reperé via the digitallist – photo © AP Images, sur http://usinfo.state.gov )

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lectures numériques – sagesse – dehors

Lectures numériques
La bouquinosphère s’enrichit d’un nouveau blog intitulé Lectures Numériques, avec parmi les premiers billets un comparatif intéressant entre les fonctionnalités de la liseuse Sony et celles d’un netbook. Une manière de relancer le débat entre ceux qui voient un avenir aux terminaux de lecture dédiés, et ceux que les limitations des liseuses irritent. Allez, serrez-vous un peu, mes fils RSS, pour faire une place à Xelle dans mon agrégateur.

Sagesse
Alain l’a commenté le premier sur Apsed, et Pierre Assouline en parlait hier : lire ou voir l’ interview de Roger Chartier sur le site « la vie des idées ». Qu’est-ce qu’un livre ? Qu’est-ce que le numérique « fait » au livre ? Que devient la lecture ?

Dehors
J’ai posé une question à Christian Fauré (je pose souvent des questions à Christian Fauré, mais celle-là, je l’ai posée sur son Google Moderator) et je n’ai vraiment pas été déçue par sa réponse. Je ne vous dis pas de quelle question il s’agissait, donc vous êtes obligés de cliquer sur les liens. Allez ouste ! Dehors !

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édition numérique : ni sexy, ni cool

Sara Lloyd, Head Digital Publisher chez Pan Macmillan, qui publie habituellement sur le blog The Digitalist, et dont le manifeste a fait pas mal de bruit au printemps dernier, est invitée sur le blog d’Eoin Purcell. Sara aime secouer les éditeurs :

« Sans toujours être complètement au clair sur les modèles commerciaux, ni sur la cohérence stratégique, nous devons EXPERIMENTER ! Nous devons cesser d’être aussi léthargiques, vieille école et supides. »

Et de rappeler son adresse aux éditeurs d’il y a quelques mois, se désolant de voir qu’aucun d’entre eux ne semblait intéressé par la sortie de l’iPhone, et encore moins prêt à développer une application de lecture dédiée. Là où les éditeurs ne vont pas, d’autres s’avancent : et voici Stanza, qui permet de lire sur iPhone du ePub, du PDF, du HTML et bien d’autres formats, et ses 200 000 téléchargements en quelques semaines.

Ceci dit, elle rappelle aussi que la part principale du travail des équipes de développement numérique dans les maisons d’édition ne consiste pas à inventer de nouvelles formes éditoriales, à créer des produits nouveaux, marrants, cools, ou à réinventer chaque jour ce que sera l’édition à l’âge du numérique :

« S’occuper de développements numériques dans une maison d’édition, c’est en réalité passer un temps disproportionné à essayer d’être au courant de ce qui sera Le Prochain Grand Truc, et le reste de votre temps à négocier des contrats qui vous autoriseront à commencer à faire les choses les plus basiques, comme : numériser les contenus de manière à conserver flexibilité et ouverture en vue des évolutions à venir. Ce n’est pas sexy, ce n’est pas cool, mais ce doit être fait. Nous avons une colline à monter, et de nombreux obstacles sur le chemin. Laissez-nous souffler ! »

On pourra lire également une intervention qu’elle à faite auprès de jeunes éditeurs américains, qui figure sur son blog.

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Des soirées entières dans les arbres

Est-ce d’avoir passé cet été toute une semaine à Lagrasse, à alterner flâneries dans la librairie du Banquet du Livre, baignades dans la rivière, lectures, conférences, concerts ? Est-ce d’y avoir entendu, lus par leurs auteurs ou par des comédiens, des textes que j’ai pu retrouver ensuite, dans la solitude de la lecture ? J’ai très envie de continuer à faire, autour des livres, des rencontres. De pouvoir mettre des visages et des voix sur des noms d’auteurs. Pourrai-je décrire cette minuscule émotion qui se faufile quand, dans le fil de ma lecture, j’arrive à cet extrait qui a été lu, qui se confond avec le grain d’une voix, le souvenir de la lumière de fin d’après-midi dans le petit cloître où se tenait la lecture, cet extrait que je reconnais, et qui, définitivement, aura pour moi un autre statut que celui du texte que je découvre avec les yeux ?

Pour retrouver cette émotion, je file deux soirs cette semaine directement du bureau vers une librairie. Jeudi, soirée Pynchon à l’Arbres à lettres de la rue Boulard. L’assistance se regroupe autour de quelques Incultes : Arno Bertina nous entraîne dans une formidable bagarre de marins avec un extrait de V, Claro dans un grand magasin avec deux personnages de Contre-jour. Au milieu des livres, au milieu des gens, visages inconnus pour la plupart, quelques uns déjà rencontrés, comme Fred Griot, qui me parle du tournage de Crops.

Autre rencontre, hier soir, dans un autre Arbre à lettres, celui de Mouffetard. J’ai entendu parler de Zone, de Mathias Enard. Arno Bertina et Claro sont là encore, et ce dernier devrait mettre en ligne sur le Clavier Cannibale la présentation qu’il nous fait de Mathias Enard, le public se gondole dans la librairie, c’est un morceau d’anthologie, il dit lui-même s’être inspiré de Lagarde et Michard. Mathias Enard prélève ensuite, dans cette immense et unique phrase qui constitue Zone, un extrait où il est question de Malcolm Lowry. Je veux lire ce livre tout de suite, je veux grimper dans ce train, dans cette phrase.

Le temps où je racontais des histoires à mes enfants, lors de ces moments privilégiés qu’Hubert évoque avec beaucoup de finesse, est aujourd’hui révolu. Les livres d’enfants, certains pas mal amochés d’avoir été trop aimés, ont disparu des chambres depuis quelques années. Il y eut aussi quelques histoires inventées, comme ce feuilleton loufoque intitulé « les quatorze enfants », dont il n’existe aucune autre trace que le vague souvenir que nous en avons tous. Fini le temps des soirées immanquablement rythmées par le bain, le dîner, l’histoire. S’ils n’ont pas encore tout à fait quitté la maison, ils n’ont plus besoin que je m’y trouve à heure fixe. Mes soirées m’ont été rendues. Alors.. Yves Bonnefoy au musée Zadkine, le 25 septembre prochain ? Mais le même soir je pourrais aussi faire la connaissance de J Eric Miller, (qui eut pour prof James Crumley, disparu aujourd’hui, l’un de mes auteurs de polars préférés) avec toujours Claro à la librairie Atout Livre. Et en octobre, lectures en vue de Ludovic Hary… et tant d’autres événements , dont Facebook contribue efficacement à propager l’annonce.

Une intuition vague : ce qui m’occupe à longueur de journée à trait à la dématérialisation des livres, et en conséquence, j’éprouve de plus en plus fortement le désir de matérialiser et d’incarner mes lectures, de les ancrer dans des lieux, de les relier à des rencontres, des voix, des visages. Les écrans ne me suffisent pas.

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The Pynchon test

Kirk Biglione, sur Medialoper :

« Comment évaluer l’expérience de lecture de longs textes de fiction sur le Kindle et sur l’iPhone ? J’ai concocté pour ceci quelque chose que j’ai appelé le « test Pynchon ». Les romans de Thomas Pynchon ont tendance à être plutôt longs, et à ce titre m’ont semblé parfaits pour mener à bien ce test. »

Longs, les romans de Pynchon ? Voir à ce propos Claro, traducteur de Contre-jour, sur le Clavier Cannibale. On peut aussi… lire Pynchon, et, pour affiner un peu son approche de l’auteur et de l’Œuvre (« il écrit des livres longs » semble un peu…court ? ) , se procurer Face à Pynchon (éditions le Cherche Midi, collection Lot 49).

Kirk Biglione est probablement un lecteur de Pynchon : si pour son test il voulait choisir simplement un gros livre, le choix était vaste. Mais on comprendra en lisant la suite pourquoi il n’a pas choisi plutôt un best-seller… Résultats du test ? iPhone et Kindle renvoyés dos à dos. Mais attention, pas pour les mêmes raisons.

« Je devrais tout d’abord indiquer que ce « test Pynchon » est complètement hypothétique parce qu’il y n’y a pour l’instant aucun moyen (légal) de télécharger un roman de Thomas Pynchon pour le lire sur un iPhone. Peu importe, je suis absolument certain que je ne lirais jamais Contre-jour ou l’arc en ciel de la gravité sur un iPhone. Le iPhone n’est tout simplement pas fait pour lire de longs textes de fiction. Sans aucun doute, l’ergonomie du iPhone empêcherait une immersion dans le texte suffisante pour aller bien loin dans ma lecture. L’écran du iPhone est juste un peu trop petit, et la génération actuelle des logiciels de lecture sur iPhone est bizarre (« quirky »).

Je suis bien sûr au courant du fait qu’il y a des gens qui lisent des romans sur mobile ou sur PDA. Simplement, je ne suis pas l’un d’eux. Mais je n’exclus pas pour autant l’iPhone de la famille des terminaux de lecture pour livres numériques. Avec le logiciel adéquat, ce pourrait être un bon terminal de lecture pour des nouvelles et d’autres types de livres. En d’autres temres, l’iPhone a échoué au test Pynchon, mais il pourrait réussir le test George Saunders. »

Quid du Kindle ?

Le Kindle a échoué au test Pynchon : Malheureusement, le test Pynchon est tout aussi hypothétique sur le Kindle. À l’heure où j’écris ces lignes, aucun roman de Thomas Pynchon n’est disponible dans le Kindle store. (…)

Amazon propose actuellement 170 000 titres dans le Kindle store. Cela peut sembler beaucoup, mais c’est une petite part du nombre de livres imprimés disponibles sur Amazon. Si vous pensez sérieusement à acheter un Kindle, vous devriez passer un peu de temps à parcourir le catalogue Kindle , pour déterminer si oui ou non les titres disponibles correspondent à vos besoins de lecteur. Soyons justes avec Amazon : les éditeurs semblent décidés à prendre le train du Kindle, on peut donc espérer trouver dans l’année qui vient de plus en plus de titres.  »

Cela dit, je dois indiquer que le Kindle est parfaitement adapté à la lecture de longs romans – il a été conçu pour cela. L’affichage e-Ink est confortable pour les yeux, la durée de vie de la batterie est plus que suffisante, et la taille du terminal semble un bon compromis entre portabilité et lisibilité. »

Les deux terminaux ont tous deux « échoué » à un test auquel aucun d’eux n’a pu, en définitive, participer, et cet article est un peu biaisé : l’auteur a déjà son opinion sur la capacité de chacun des terminaux à accueillir la lecture de longs ouvrages de fiction, et son « test Pynchon » est une manière de souligner la pauvreté actuelle des catalogues de livres numériques, limitation dont se plaignent depuis longtemps les adeptes précoces des liseuses : ce qui ne les empêche pas, même en France où l’offre commence à peine à se constituer, de développer des usages de lecture, qui mixent les titres tombés dans le domaine public, les fils RSS, les documents professionnels qu’ils auraient autrefois imprimé.

La suite de l’article est intéressante aussi : il y est question de la focalisation qui est faite, dans les discussions concernant livre papier/livre numérique, sur la littérature, qui ne représente qu’une fraction de la production éditoriale. A ceux qui évoquent inévitablement les qualités du livre imprimé en parlant de ‘la bonne odeur des livres », Kirk Biglione dit :

« Ce que ces amoureux du livre veulent dire en réalité, c’est qu’il aiment l’odeur de certains livres. Ils aiment l’odeur de l’idée platonicienne du roman parfait. Croyez-moi, ces gens n’aiment pas l’odeur de « Principes de la microéconomie ». »

Cela dit, la librairie du MK2 près de chez moi est ouverte le dimanche, et je vais m’en aller quérir le dernier Pynchon, et humer sa bonne odeur au soleil sur mon balcon…

 

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First Ladies, on Kindle first

Globe Pequot Press, l’éditeur des biographies de Cindy McCain et Michelle Obama, a conclu un accord d’exclusivité avec Amazon, pour diffuser les deux ouvrages au format numérique sur le Kindle. Celle de Michelle Obama paraîtra également sous forme imprimée, dans quelques semaines, quoi qu’il arrive. Celle de Cindy Mac Cain ne sera imprimée que si Monsieur gagne les élections.

Dans les nombreux débats qui accompagnent l’émergence d’une offre de livres au format numérique, l’aspect « temps » avait jusqu’ici été peu abordé. Les avantages de la dématérialisation du livre le plus souvent mis en avant sont plutôt liés à l’espace, à la mobilité. Posséder une liseuse, c’est pouvoir transporter sans se charger une grande quantité de livres et de documents textuels divers. C’est disposer en toutes circonstances d’un vaste choix de lectures. Cette annonce met en avant une autre caractéristique du livre numérique : la rapidité de sa mise en vente et de sa livraison : pas d’impression, pas de transport… Nombre d’éditeurs ont acquis des méthodes qui leur permettent de sortir des livres imprimés liés à un événement qu’ils ont pu anticiper à peine quelques jours après l’événement concerné. Désormais, ces livres qui sont souvent des « coups » seront accessibles encore plus rapidement, sous forme numérique.

Ian Freed, vice président d’Amazon Kindle a déclaré :

« Nous sommes heureux d’offrir aux clients « Kindle » d’Amazon la chance de lire les biographies de Cindy McCains et Michelle Obama des mois avant que leur version imprimée ne paraisse cette année. (..) Grâce à la connexion sans fil de leur Kindle, les clients qui achèteront ces livres d’actualité pourront commencer à les lire en moins de 60 secondes ».

Mais pourquoi, demande Katia Krozser sur Boosquare, s’il est si urgent que ces livres soient vendus, tellement urgent qu’on n’a même pas le temps de les imprimer, en réserver la lecture aux seuls possesseurs du Kindle ?

« Bien sûr, il n’est pas indiqué (dans le communiqué ) que cet accord exclusif laisse de côté les lecteurs qui possèdent une liseuse Sony, un iPhone, un Palm, un ordinateur portable, ou tout autre terminal susceptible de lire un livre numérique. Il devrait être précisé que la population de lecteurs de livres numériques non utilisatrice de Kindle excède de beaucoup celle qui en possède un.

De fait, Globe Pequot a décidé qu’il était si important que ces livres soient mis à temps à la disposition des électeurs… qu’ils se sont coupé de la majorité de leur marché potentiel. Vive le progrès ! »

Et, pour que l »édition de livres « juste-à-temps » soit disponible pour tous les lecteurs, Kassia s’emporte contre l’éditeur Globe Pequot :

« Votre client n’a que faire de vos vantardises corporate concernant vos accords. Votre client veut son livre maintenant, ou le pus tôt possible. Non seulement les lecteurs de livres numériques souhaitent la disponibilité de lire leur livre dans leur format préféré, mais les lecteurs de livres imprimés ne devraient pas avoir à attendre aussi longtemps pour pouvoir lire un livre qui aura perdu de sa pertinence en quelques semaines. Les choses évoluent trop vite pour continuer de jouer avec de vieilles règles. »

eBabel, ou la mutliplication inconsidérée des formats de livres numériques, va-t-elle disparaître avec une adoption de plus en plus massive du format ePub ? C’est une façon de considérer le problème. Une autre est de se demander : est-il beaucoup de livres que nous désirons à ce point lire maintenant, tout de suite, à l’instant, que nous ne pouvons supporter de les attendre un peu ? Nos achats de livres sont-ils si impulsifs ?

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Bob Stein : publier à l’ère des réseaux

Passionnant article de Bob Stein (Directeur de l’Institute for the Future of the Book, fondateur de Voyager Company, première société à avoir édité des cédéroms, et de Night Kitchen) sur le blog If:book.

Ceux qui ont connu la période « pré-Internet » du cédérom se souviennent de Voyager Company, et peut-être aussi de l’excitation qui avait cours alors, lorsque fut explorée la possibilité nouvelle de marier sur un même support du texte, de l’image, du son, de la vidéo, et de les faire interagir. L’arrivée de l’internet bas débit, avec ses limitations, ses lenteurs, les précautions infinies qu’il fallait déployer pour y afficher des images, les plus légères possibles, les limitations dans l’interactivité, ont fait que nombre de professionnels du multimédia ont vu arriver le web avec pas mal de défiance, et l’ont considéré tout d’abord comme une sorte de régression, au vu de ces performances. Même le sens du terme « interactivité » a changé alors. Du temps du cédérom, l’interactivité c’était la possibilité de faire interagir l’utilisateur avec les contenus, et on tentait d’inventer une grammaire de l’interactivité avec un lexique franco-anglais composé de clics, de glisser-déposer, de roll-overs, de highlights… Dès l’apparition du web, interactivité a de plus en plus souvent signifié « interactivité entre les gens », possibilité d’échanger via des forums, de recueillir l’avis des internautes. Le « glisser-déposer », tellement banal dans l’univers du cédérom sous le règne de Director, était en ligne un exploit réservé aux interfaces sophistiquées, en Flash ou à base d’applets Java. Nombreux sont ceux qui cependant ont assez rapidement fait leur deuil du multimédia… pour plonger avec délice dans les griseries hypertextuelles du web, et aujourd’hui dans les eaux vives des flux RSS… Aujourd’hui, nos ordinateurs (contrairement à nos liseuses…) nous semblent des objets morts, gelés, lorsqu’ils ne sont pas connectés : nous avons l’impression d’être punis, emprisonnés dans nos disques durs, nos documents, nos applications.

Bob Stein préfigure dans cette article l’évolution à moyen et long terme du rôle des auteurs, des lecteurs et des éditeurs, dans un contexte d’édition électronique connectée. Il faut lire l’article en entier, je traduis simplement cet extrait qui concerne les éditeurs

« Loin de devenir obsolètes, les éditeurs à l’ère des réseaux auront un rôle crucial à jouer. L’éditeur du futur sera de plus en plus un producteur, un rôle qui va de la signature des projets à la supervision de tous les éléments concernant la production et la distribution, et qui inclut bien sûr la construction et l’animations de communautés de différents types démographiques, de différentes tailles, de différentes formes. Les éditeurs à succès construiront des marques autour de leur savoir-faire concernant la conservation et la construction de communautés et seront des experts dans l’art de concevoir et de déveloper les infrastructures complexes qui permettront de déployer une grande variété d’expériences-utilisateurs. »

Et Bob Stein conclut ainsi :

Durant la période videodisque/cédérom de l’édition électronique, nous avons exploré la valeur et le potentiel de l’intégration de tous types de médias sur des supports multimédia en y appliquant notre réflexion. Avec l’avènement du net, nous avons commencé à explorer ce qui se passe lorsque vous placez un discours dans un réseau dynamique. Les limitations conjointes de la bande passante et des performances des machines qui ont dans un premier temps fait de l’internet un espace inhospitalier pour le multimedia n’ont plus cours. Il est maintenant possible d’imaginer que l’on pourra relier ensemble ces fils. (Peut-être ce dernier point permettra-t-il d’obtenir un champ théorique unifié.)

Pour certains d’entre nous, il s’agit aussi de relier entre eux les fils d’expériences professionnelles auxquelles les avancées technologiques ont imposé des ruptures, exigeantes en termes d’apprentissages et d’adaptation, mais profondément enrichissantes.

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Ne faire que lire

Comment lirons-nous dans quelques années ? Sur l’écran de nos ordinateurs ? Celui de notre téléphone portable ? Sur la feuille de papier électronique de notre liseuse ? Sur papier ? Probablement sur les uns et les autres supports, selon le moment, le type de lecture et bien d’autres critères.

Mais la blogosphère du livre résonne de combats singuliers, de pronostics : qui va l’emporter, Amazon avec son Kindle ? Apple avec son iPhone ? Sony avec son Reader ? Et la liseuse de Bookeen, Cybook, et l’Iliad d’iRex, pourront-ils résister ? Il va falloir compter aussi avec les netbooks…

A côté de la mise en scène de cette guerre commerciale, qui a bel et bien lieu, mais se trouve magnifiée par le goût que nous avons des légendes, des affrontements et des paris qui vont avec il existe aussi des divergences de vues entre des gens qui ne sont pas des acteurs commerciaux, mais des observateurs, penseurs, auteurs, blogueurs… Certains apprécient les liseuses, peut-être justement pour ce qui apparaît aux yeux des autres comme leur défaut. Ils apprécient d’utiliser un objet dédié à la lecture, qui ne sait faire que ça : afficher des textes, page après page. D’autres vivent cette dimension mono-fonctionnelle comme une limitation absurde : ne pas pouvoir cliquer sur un lien hypertexte, ni copier-coller, ni partager en un clic un passage avec un ami.

Il y a quelque chose de reposant dans les objets dédiés, les grille-pain, les presse-oranges. On les utilise sans s’interroger, ils marchent généralement assez longtemps, réclament peu d’entretien. Ils trouvent leur place dans notre quotidien, et rendent humblement de précieux services en se faisant oublier. Ces objets ne sont plus des « technologies », ils sont simplement des objets familiers. Telle pourrait être la liseuse, un objet reposant nous permettant simplement, à certains moments, de ne faire que lire.

(photo : francois et fier de l’être – flickr )

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