Est-ce que quelque chose a changé ?

Pour commencer l’année, un billet dont le titre est emprunté à une chanson de Michel Jonasz dont le refrain dit : « Est-ce que quelque-chose à changé / Couchons-nous sur les fourmis rouges / Pour voir si l’amour est resté/ Pour voir si l’un de nous deux bouge… »

Dans le vaste mouvement des choses qui changent, auxquelles faut-il prêter une attention particulière ? La Grande Conversion Numérique des livres tarde à se produire en France et semble déjà s’essouffler aux États-Unis. Eric Hellman a écrit à ce sujet un billet qui connaît un joli buzz, intitulé  » In 2013, eBook Sales Collapsed… in My Household. » ? Cherchant une explication au net ralentissement observé en 2013 dans la progression des ventes de livres numériques aux USA, et aux commandes de livres numériques en chute libre dans son foyer, il écarte un certain nombre d’hypothèses pour conclure, se basant sur l’évolution des usages de ses proches : les responsables, ce sont les sites de fanfiction… (Le Kindle familial en panne a été remplacé par un iPad, les limitations imposées par Apple à l’in-app purchase rendent difficile l’achat d’ebooks sur Amazon, l’iBook store n’a pas séduit son panel (sa famille), et donc, les voilà qui passent maintenant leur temps de lecture à lire des fanfictions…) Par un tour de passe passe qui met dans le même sac « tech-startups, tech-monsters, et tech-non profit », il annonce une année 2014 qui devrait donner toute satisfaction à celui qui a écrit les lignes suivantes :« Nous aimons investir dans des technologies et des modèles d’affaires qui sont en mesure de rétrécir les marchés existants. Si votre entreprise peut prendre 5 $ de revenus à un concurrent pour chaque dollar qu’elle gagne, alors parlons! ». Une année qui verrait le marché du livre numérique s’effondrer sous les attaques des » tech-quelque chose » citées plus haut. Cinq dollars perdus pour les éditeurs traditionnels pour chaque dollar gagné par Wattpad, Manybooks, Readmills, Leanpub, Smashword ou même Unglue.it ?

AInsi, aux USA, de jeunes sociétés innovantes s’en prennent, nous dit Eric Hellmann, aux éditeurs et voudraient les faire vaciller, tout comme AirBnBinquiète l’hôtellerie, tout comme Uber concurrence les taxis et Netflix les chaînes de télé.Wattpad et Smashwords sont des plateformes d’auto-édition, le Projet Gutenberg est le plus ancien projet de numérisation de livres, Manybooks diffuse des livres gratuits, principalement du domaine public, Leanpub est un outil de publication, et Unglue.it un site de crowd-funding dédié à la réédition numérique. Aucune parmi ces structures ne fait le lent et patient métier de l’éditeur, ce travail de défrichage à la recherche d’un prochain texte, d’un nouvel auteur, ce travail sur le texte une fois trouvé, et autour du livre publié. Aucun ne s’attache à construire, au fil des années, des collections qui sont pour certains auteurs des maisons communes, et pour leurs lecteurs des repères indispensables. Préférer la vitesse, expérimenter de nouvelles manières de faire surgir le talent, inaugurer des outils de publication, c’est très bien, et les maisons d’édition ont tout intérêt à suivre de très près l’activité de ces start-ups, et les plus avisées travaillent déjà avec elles. Mais pourquoi se réjouir à l’idée que tout ceci pourrait se substituer à ce qui existe déjà ? Pourquoi m’inviter à m’en réjouir, si au final, mon choix de lecteur s’en trouve amoindri ? S’il devient plus difficile de trouver de bons textes ? Pour qu’il y ait des fanfictions, ne faut il pas qu’il y ait des fans, des fans d’un auteur, et cet auteur-là, qui prendra le risque de le publier ?

Est-il devenu utopique, en 2014, de ne pas vouloir renoncer au meilleur de ce que nous proposent les deux mondes que nous aimons : celui des livres, et celui du web, et de continuer d’essayer de contribuer à les faire cohabiter, se compléter, se sublimer l’un l’autre?

 

 

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EPUB : commenter la leçon

Nicolas Morin, dans un billet sur IDBOOX, oppose curieusement le format EPUB aux apps et au web, raillant (gentiment) les éditeurs qui fétichiseraient l’EPUB, et leur faisant (un peu) la leçon. Alors je monte au tableau, voilà, et je commente…

Si nombre d’éditeurs défendent aussi ardemment le format EPUB, ce n’est pourtant pas en l’opposant aux apps ou au web, c’est vis à vis de formats proches de l’EPUB, mais propriétaires, notamment le format .mobi, lisible sur les terminaux ou via les applications de lecture d’un seul revendeur.

Les éditeurs ne se contentent pas de défendre le format EPUB, beaucoup contribuent activement à le développer, à travers l’ IDPF et à en fortifier l’environnement de lecture, via la fondation Readium. Cet engagement se traduit par des actions concrètes, en vue d’inventer et d’améliorer sans cesse un écosystème du livre numérique ouvert, interopérable, et accessible.

La tenue prochaine à New-York d’un hackathon co-organisé par la New-York Public Library et la fondation Readium témoigne de cette vitalité et de cette ouverture.

Dans ce format EPUB sont aujourd’hui proposés des centaines de milliers de titres, autrefois disponibles uniquement au format imprimé, aux lecteurs qui, de plus en plus nombreux, souhaitent lire en numérique. La question n’est pas tant de « répliquer la chaîne du livre » que de mettre à disposition des lecteurs, en version numérique, les livres. Qu’attend un lecteur qui s’est équipé d’une liseuse ou d’une tablette ? Ou celui qui aime lire sur son smartphone ? Dans la plupart des cas il compte fermement sur la disponibilité en version numérique des livres qui paraissent également en version imprimée, ou sont déjà parus, le mois dernier, l’an dernier ou il y a dix, quinze ou cent cinquante ans, il s’attend à pouvoir choisir dans un catalogue numérique qui ne doit rien avoir à envier au catalogue de livres imprimés.

Même si de nouvelles expériences de lecture sont bien évidemment possibles, même si des catalogues 100% numériques se créent progressivement, qu’il s’agisse d’œuvres nativement numériques, ou du passage en numérique de textes qui revisitent cette expérience, le défi initial pour les éditeurs traditionnels en ce qui concerne les livres numériques est donc plutôt modeste : il s’agit de faire exister les livres sur le web, et que ceux-ci demeurent des livres, avec bien sûr un écart vis à vis de la version imprimée qui provient de ce passage au numérique. Ce passage n’est pas indifférent, il n’est pas neutre, il n’est pas sans incidence. Mais la construction d’un espace des livres spécifique sur le web passe par le fait de veiller plutôt à la proximité avec les livres imprimés qu’à l’écart avec ceux-ci. Ce n’est pas « anti-innovation », c’est simplement la volonté de faire exister aussi en numérique ce que les lecteurs aiment des livres. Cela implique d’ailleurs beaucoup d’innovation, et ne convoque pas nécessairement le skeuomorphisme. Nul ne peut prédire à coup sûr la solidité ni la durée de cet espace spécifique des livres numériques en construction, mais pourquoi reprocher aux éditeurs de s’être concentrés en premier lieu sur ce défi ?

Que n’a-t-on entendu à propos des majors de la musique qui ont tant tardé à numériser leurs catalogues ! Et maintenant, on va reprocher aux éditeurs de numériser les leurs ? Une double injonction, en forme de double contrainte: « Numérise, éditeur, mais surtout, ne numérise pas ! ». Numériser, quel manque d’inspiration, c’est faire juste un simple et bête livre numérique qui ressemble au livre papier qu’on lit du début jusqu’à la fin avec même pas de vidéo et d’animations et de sons et d’interactivité dedans, trop bêtes ces éditeurs, ils ne voient pas, alors que les jeunes (les digitalnativzz) le voient, que les bibliothécaires, les enseignants, les touristes, les pompistes, les dentistes le voient (même ma maman le voit), qu’avec le numérique on peut faire tellement tellement plus de choses oh là là…

Il n’y a pas lieu de s’étonner que le format EPUB, et la référence au livre imprimé, ne soulèvent généralement que peu d’enthousiasme chez un éditeur pure-player.Il n’a pas de fonds à numériser, il n’est pas tenu de publier (ni de promouvoir) simultanément deux versions de toutes ses nouveautés, l’une imprimée, l’autre numérique. Que lui importe (sur le plan économique) que les ventes de livres numériques se concentrent in fine chez deux ou trois acteurs mondiaux, et que les libraires en viennent à fermer les uns après les autres ?  Cela préoccupe énormément les éditeurs traditionnels qui, eux, publient dans les deux formats, imprimé et numérique, travaillent et veulent continuer de travailler avec un grand nombre de libraires de toutes sortes et de toutes tailles, pour leurs livres imprimés comme pour leurs versions numériques.

Tous les livres n’ont pas le même destin numérique, et le format EPUB sert convenablement la plus grande partie des objets éditoriaux que les lecteurs numériques achètent aujourd’hui. EPUB3 permet déjà, et permettra bientôt sur un plus grand nombre de terminaux, d’ajouter des types de livres à la mise en page plus complexe, avec éventuellement des éléments multimédia ou de l’interactivité, et d’améliorer l’accessibilité. Partout dans le monde se développe la lecture de livres numériques, à des rythmes variables selon les contextes locaux. Ce développement ne se construit pas principalement pour le moment autour des livres-applications, ni autour des livres-sur-le-web. Il se construit autour d’artefacts du livre imprimé. Ce n’est ni bien, ni mal. C’est ainsi.

En tant que pure-player, vous pouvez choisir très librement la proximité avec le modèle du livre imprimé que vous souhaitez donner aux objets que vous allez publier. Vous pouvez l’oublier. Vous pouvez aussi devenir des experts de l’EPUB, et choisir de proposer aussi vos livres numériques en impression à la demande, (et dans ce cas le libraire deviendra votre ami…) ou bien explorer des territoires différents, à la frontière avec le jeu vidéo, l’art numérique ou l’audio-visuel. Vous pouvez pousser le web dans ses retranchements, subvertir les réseaux sociaux, détecter des auteurs-codeurs, pratiquer le crowd-funding, et même essayer de livrer vos exemplaires en POD par drone. Vous pouvez innover, foncer, hacker, inventer. Vous avez de meilleures idées que les éditeurs ? Bravo. Réalisez-les. Ne demandez pas la permission. Si une forme réellement nouvelle et pertinente apparaît, si un meilleur dispositif surgit, ils finiront par l’emporter.

Mais pourquoi vous étonner que des maisons d’édition qui ont publié déjà des centaines, des milliers et parfois plusieurs dizaines de milliers de livres, et vont continuer d’en publier encore longtemps sous forme imprimée, agissent différemment, connaissent d’autres contraintes, suivent une autre logique que la vôtre ? Faire la leçon aux éditeurs dits traditionnels lorsque l’on est un pure-player, c’est de bonne guerre : à la fois payant – on a droit à un billet sur teXtes, ce qui devient rarissime 🙂 – et sans grand danger : on ne risque guère de rencontrer une vive opposition, de voir se lever des foules criant « Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? ». Cela fait partie du jeu. Cela fait partie aussi du jeu de ne pas toujours laisser la leçon sans réponse.

 

 

 

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Books in Browsers – pendant la pause

Pendant la pause déjeuner de la conférence Books in Browsers, qui se tient comme chaque année depuis maintenant 3 ans à San Francisco, et que je suis comme chaque année depuis mon canapé à Paris, j’ai envie de publier ici la traduction du résumé de l’intervention de Justo Hidalgo,( 24 symbols), qui est le prochain intervenant de la conférence. En développant l’architecture technique nécessaire à l’activité de sa société, Justo s’aperçoit progressivement que ses outils, tous dans le cloud, pourraient servir à d’autres qu’à lui. Ce court texte est une définition simplifiée de ce que peut être une approche de type « plateforme », très bien décrite dans le fameux billetde Steve Yegge, un ancien d’Amazon passé chez Google – le lien pointe vers la traduction du billet en français par Nicolas Colin.

Voici comment Justo annonce son intervention :

« L’idée de construire une plateforme permettant à différents acteurs de produire des services et des applications liés au livre de manière plus rapide et plus efficace n’est pas nouvelle, dans le monde académique et parmi d’autres experts du numérique s’est développée toute une réflexion à ce sujet.

Mais, selon un chemin auquel on ne s’attendait pas au démarrage de notre projet 24 symbols, nous pourrions bien être plus près de cette vision que ce que nous pensions, en construisant une machine du type « Book as a Service ».

Pour développer notre société en offrant des livres numériques en abonnement, accessibles notamment aux possesseurs de terminaux mobiles, nous avons dû faire évoluer notre architecture technique de manière que les nouvelles applications de lecture et les nouveaux services puissent se construire rapidement.

Bien qu’à court terme ce jeu de fonctionnalités n’ait été destiné qu’à nos propres besoins et requêtes, il apparaît de plus en plus clairement que cette couche pourrait potentiellement être utilisée par d’autres développeurs, éditeurs, associations d’éditeurs, chercheurs et même auteurs.

La vision et la promesse seront expliquées durant mon intervention, et les principales questions juridiques, techniques, politiques liées au projet seront posées à l’audience afin de comprendre pleinement les implications, le potentiel et les défis d’une plateforme Book as a Service totalement accessible. »

Dès qu’il sera disponible, je posterai ici le lien vers l’enregistrement vidéo de l’intervention de Justo Hidalgo.

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Premier binôme auteur-codeur au Labo de l’Édition : Sylvie Tissot et Olivier Boudot

photo (1)La plus souvent possible, je participe aux événements qu’organise le Labo de l’Edition. Le fait que le Labo soit situé à deux stations de métro de la place d’Italie où je travaille me facilite grandement les choses.Jeudi dernier, je n’aurais raté la soirée pour rien au monde, même si le Labo avait déménagé à Cergy ou bien à Trappes, à Etampes ou à Dourdan… J’aurais pris le RER C, tout simplement, ce qui m’aurait bien préparée à une soirée toute entière consacrée à une belle réalisation éditoriale, associant un livre imprimé et une application nommée : VuDuRERC.

À partir d’une idée qui a dû venir à l’esprit de bien des voyageurs, rêvant en regardant le paysage défiler à grande vitesse par la fenêtre du TGV, l’écrivain et mémorialiste Olivier Boudot avait déjà conçu et réalisé le livre: Paris-Lyon vu du train.De cette rêverie souvent interrogative (Que sont ces lieux ? Qu’y a -t-il derrière cette colline ? Est-ce que ce petit manoir est habité ? etc.), Olivier a décidé de faire le point de départ d’un patient travail d’enquête, qu’il décrit sur le site consacré au livre. Sylvie Tissot, informaticienne et chercheuse en informatique, réalise en complément du livre une application permettant de géo-localiser les pages du livre.

Autrefois, un trajet en train était une sorte de parenthèse temporelle, durant laquelle dominait une ignorance presque complète des régions traversées. Si en voiture les panneaux routiers permettent de relier facilement un emplacement donné à un point de la carte que l’on déplie, le voyage en train n’était documenté que par le nom des gares, et, dans le cas des TGV, celles-ci sont rares. De longues portions de trajet demeuraient « silencieuses », n’offrant d’autre repère que celui de la forme du paysage et des constructions. Désormais, pour peu que la couverture 3G soit au rendez-vous, on peut suivre le déplacement du train qui nous transporte sur une carte, et trouver sur le web des informations sur les lieux traversés. Cependant on ne trouve pas « tout » sur le web.

La démarche patiente et passionnée d’Olivier Boudot et de son complice géographe Jean-François Coulais,et le dispositif de mise en images du trajet, décrit ici, aboutissent à un objet éditorial singulier, un véritable guide de voyage, un livre qui est non seulement destiné à apporter au voyageur des renseignements, mais propose également une vision et raconte des histoires, qui se déploient aussi bien dans l’espace que dans le temps.

Après Paris-Lyon vu du train, Olivier Boudot publieVu du RER-C, à partir d’un concept identique. Le livre est présenté ainsi :

vu-du-RERC« A mi-chemin entre le livre et le guide, Vu du RER C propose 256 pages d’une étonnante promenade le long de la ligne. Au menu : patrimoine architectural, culturel et touristique, balades et traversée des paysages. Vous rencontrerez également des artisans, des voyageurs et des cheminots, dont vous découvrirez les métiers. »

L’application, développée par Sylvie Tissot, et dont le design est réalisé par l’agence Nodesign, va au-delà d’un outil de géo-localisation des pages du livre. Le concept s’est développé dans deux directions, l’une qui documente le passé de l’Ile de France, l’autre le présent.

D’une part, il est possible d’accéder aux textes d’Olivier Boudot et de convoquer des images du passé, issues de différentes sources : collection de cartes postales anciennes de la ville d’Issy-les-Moulineaux, images de la médiathèque SNCF et de l’INA. D’autre part, les usagers de la ligne sont invités à ajouter leurs propres documents, et, via leurs APIs respectives, à échanger des messages Twitter ou à accéder aux horaires des prochains trains.

Chargé d’animer la communauté des utilisateurs de l’application, Omer Pesquer, connu par ailleurs pour son engagement dans Muzeonum comme pour son superbe générateur de titres, utilise le compte twitter @vudurerc et le compte Facebook dont il donne le lien pendant son livetweet de la présentation :


Le prototype de l’application, téléchargeable ici, a été présenté lors de l’événement Futur en Seine, et financé par la région Ile de France.

La multiplication des parcours de lectures, la décision de proposer différents filtres pour l’accès aux différents éléments, conduisent à rendre disponibles un grande quantité d’éléments, qui viennent s’ajouter à ceux créés par l’auteur et déjà présents dans le livre. L‘identification, l’acquisition, le traitement et l’intégration des médias (vidéos, images, sons) consomment une très grande part du budget et du planning dans un projet multimédia interactif. La recherche de sources iconographiques, de gisements de données accessibles (de plus en plus nombreuses aujourd’hui avec le mouvement Open Data) est un préalable à de tels projets. Et le code est ce qui va permettre non seulement d’aller chercher les données, mais aussi d’effectuer leur mise en écran, de leur donner une forme, et de régler les conditions de leur affichage.

Les auteurs/codeurs de VuDuRERC ont su mettre les capacités des mobiles au service de l’imagination sans tomber dans le systématique, à travers une application fluide et sensible, poétique et ludique, qui n’est pas sans me faire penser à deux autres réalisations dont j’ai parlé dans ce blog :

– l’une proposée en 2008 par Penguin, dans le cadre de l’expérimentation We tell stories: on retrouve dans ce projet l’idée de géo-localisation, et celle d’une collaboration auteur / codeur .

– l’autre, j’en ai parlé cet été, c’est Hi, ce réseau social qui incite à écrire à partir du lieu où l’on se géo-localise. Pourquoi d’ailleurs, ne pas proposer aux concepteurs de Hi de permettre à leurs utilisateurs d’enrichir de leurs textes et photos l’application VuDuRERC ?

Il y en a bien d’autres, certainement, que n’ont pas fini d’explorer ceux que les cartes font rêver, tout comme ceux qui, en voyage, rêvent aux cartes autant qu’aux territoires. N’hésitez pas à les signaler en commentaire.

 

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De la poussière sur les livres numériques

livres_poussiere
C’était pénible, aussi. Votre attachement, votre addiction à ces objets lourds qui prenaient la poussière, s’entassaient sur des étagères, petits ou grands, épais ou minces, blancs ou jaunis, colorés parfois, et le plus souvent décolorés.

C’était terrible, votre folie d’aimer savoir qui avait écrit quoi, cette manie de chercher sur la couverture le nom de l’auteur. Le pire, c’est que certains auteurs indiquaient également le nom d’autres auteurs dans les pages intérieures, vous conduisant à des découvertes, vous enfonçant toujours plus dans la dépendance, tissant des liens entre la couverture jaune et la verte, le gros livre penché et le petit à peine visible.

C’était affreux, d’être obligé en regardant les objets posés sur les étagères, de se souvenir des gens qui vous les avaient offerts, de votre plaisir lorsque vous les aviez achetés, des heures passées sous le tilleul à plat ventre sur une couverture, la première fois que vous aviez lu celui-là, et dans ce train qui n’en finissait plus d’arriver, la fois où vous aviez relu cet autre. Oui, vraiment horrible. Il allait bien falloir un jour se débarrasser de tout ça. Il faudrait bien un jour inventer autre chose.

Vous aviez bien essayé ces succédanés, ces objets qui portaient un absurde nom féminin, et qui commençaient à se répandre doucement, très doucement chez nous, plus vite ailleurs, ces petites machines qui, une fois apprivoisées, vous procuraient, disiez-vous, une expérience de lecture somme toute assez proche de celle des objets posés sur vos étagères. Peut-être étiez-vous assez nombreux à être, au final, plutôt indifférents à la matérialité de ces choses. Elle était là, simplement, cette matérialité, papier, colle, encre, pour permettre ce moment magique, disiez-vous, ce coup de talon sur le sol qui vous permettait l’envol. Les pages se tournaient, remontant le ressort qui bientôt vous enverrait très loin. D’autres attachaient bien plus d’importance aux objets, à leur forme, à leur aspect. Parlaient même parfois de la délicieuse odeur-de-l’encre-et-du-papier. Pas vous. Seul importait le texte, s’y engouffrer, à en oublier de respirer et bouger, à attraper des fourmis dans les jambes, des torticolis, pour être resté si longtemps suspendu aux pages. Parfois, donc, vous lisiez aussi à l’aide d’un objet électronique, à l’écran mat ou brillant. Souvent, c’était parce que vous voyagiez, et que vous ne souhaitiez pas porter de trop lourds bagages. Ou bien, vous tombiez – horreur – en panne de lecture à des kilomètres d’un lieu habité, et il vous suffisait de trouver un peu de réseau pour vous approvisionner, sans devoir attendre la prochaine virée en ville. C’est dire l’état d’intoxication où vous vous trouviez. Vous développiez ce faisant de nouvelles et détestables habitudes. Celle de quitter l’enclos du fichier pour vérifier en ligne l’origine ou le sens d’un mot, situer une ville sur une carte, et même poster une citation sur Twitter, avant de reprendre votre lecture.

Mais ce n’était pas la solution. Demeurait cette sale manie d’en revenir, toujours, à des objets horriblement figés. Cette obsession de vous enfermer dans ces espaces clos. Ce plaisir malsain de savoir que d’autres avant vous avaient lu ce texte, celui-là exactement, et que, peut-être, d’autres le liraient après. Cette erreur que vous aviez faite en entrant dans cette confrérie des lecteurs, mais vous étiez petit encore, à l’âge de vos premiers Club des Cinq, et personne ne vous avait mis en garde. Les liens que vous continuiez de tisser entre vos lectures, et, horreur, avec d’autres lecteurs. La confiance que vous faisiez, pauvre innocent, naïf lecteur, au bout de quelques titres, à cet éditeur – un éditeur ! – qui vous avait, disiez-vous, pour votre grand plaisir, emmené vers une contrée littéraire jusqu’alors inconnue de vous.

Non, il faudrait quelque chose de vraiment différent. Oui. Mettre un terme à tout cela. Ce repli sur soi. Ce temps passé, immobile, coupé des autres. Cette fréquentation de complets inconnus. Dont certains étaient morts, cela me fait peine de l’écrire. Il faudrait passer à tout autre chose. Quelque chose d’ouvert. Quelque chose qui permette la circulation, la rencontre, et l’oubli. Quelque chose d’anonyme. Quelque chose de mélangé à d’autres choses. Quelque chose de plus intelligent. Quelque chose qui vous connaisse. Quelque chose qui vous devine, qui vienne à votre rencontre. Qui ne se contente pas de singer les choses poussiéreuses posées absurdement sur l’étagère entre deux autres choses. Qui ne soit pas bêtement homothétique, stupidement apparenté au vieux monde en perte de vitesse. Quelque chose avec des algorithmes. Avec de l’intelligence, oui, mais de préférence artificielle. Il faudrait ouvrir ces trucs et gratter l’encre jusqu’à faire des trous dans les pages, il faudrait creuser dans les pages pour trouver le sens, mouliner les débris des pages dans de grandes machines à indexer, fabriquer des bases de données, il faudrait tout de même penser à fabriquer, bon sang, un jour, des bases de données.

Vous lisiez bien d’autres choses, aussi. Vous naviguiez des heures, lisant-écrivant sur le web inépuisable, rebondissant d’un site à l’autre, du français à l’anglais, absorbé parfois longuement. Lire longtemps sur l’écran ne vous dérangeait pas. Vous aimiez la rumeur du web, ses mélanges, ses territoires balisés et inconnus, les tressautements de l’hypertexte, les carambolages qu’il permettait, ses îles, ilôts, archipels, ses atolls et ses icebergs. Et vous aimiez que parmi ces ilôts, auprès des merveilles et des surprises du web, il soit possible d’identifier, de loin, des zones particulières, reconnaissables entre mille.

Vous aimiez vous dire que les livres s’étaient fait une place sur le web. Et que, numériques ou numérisés, bon nombre d’entre eux pouvaient demeurer des livres.

On allait bientôt s’occuper de vous.

 

 

 

 

 

 

 

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Hi : la carte et la narration

Je suis depuis quelques années le parcours de Craig Mod, à la fois ce qu’il dit, et ce qu’il fait. Et je suis un petit peu étonnée qu’Hubert Guillaud ne mentionne pas dans son billet, titré « Du livre au web : de l’édition électronique à la « web édition » » la dernière aventure de Craig Mod, la plateforme Hi, lancée en version sur invitation il y a quelques jours.

Il n’est pas très surprenant que Craig Mod ait choisi le site Medium pour publier un long article expliquant ce qu’est Hi. J’avais salué dans un post il y a presque un an l’arrivée de cette plateforme, à mi-chemin entre blog et magazine, une plateforme de publication pensée pour mettre en avant des contenus de qualité, en les rassemblant non plus dans un ordre anté-chronologiqe selon la timemline façon « fosse à bitume » des blogs, mais par thématiques.

D’ailleurs, le créateur de Hi et celui de Medium se connaissent, et Craig Mod remercie Ev Williams en tête de son article.

Mais qu’est-ce que Hi ? Je n’ai malheureusement pas pu l’expérimenter directement, une poignée d’invitations disponibles ayant été raflées très rapidement, et j’attends patiemment maintenant de recevoir la mienne. Je dois donc pour expliquer ce qu’est Hi me baser sur ce que montre le site, sur les explications de Craig et sur les commentaires de quelques blogueurs qui ont réussi à mettre la main sur des invits.

Hi semble s’inspirer de l’incroyable succès d’Instagram, en y injectant un peu de Foursquare, un brin de Twitter, et une petite dose de Blogger, le tout à la sauce… Medium.

Ce que dit Craig :
« Hi est une site web co-fondé avec Chris Palmieri qui vous permet d’associer un court texte et une photographie à un lieu. Nous appelons cela un moment. »

Il s’agit d’un « networked storytelling tool », un outil de narration connecté. Quoi de neuf ? Facebook n’est-il pas déjà un outil de narration connecté ? Sans doute un peu, mais le « storytelling » n’est pas l’idée principale de Facebook. Non, Hi est plus proche de Medium, parce que les « moments » qui le composent sont regroupés par lieux, et que la chronologie et les personnes (amis, followers ) y jouent un rôle plus faible.

Le pari est de partir de la simplicité d’Instagram, celle qui lui a valu d’être adopté par des millions d’utilisateurs en un temps record, avec la possibilité de documenter les images avec deux niveaux de texte : l’un très court, proche de la légende, et un deuxième niveau, plus long, auquel on accède en cliquant sur un bouton intitulé « tell me more ».

Dans Instagram, la possibilité existe de géolocaliser et d’ajouter un commentaire à ses photos.
Dans HI, la proposition est inversée : la possibilité existe d’ajouter une photo et du texte à sa géolocalisation. L’entrée, c’est le lieu.

La proposition séduira tous ceux qui ont rêvé sur des cartes, suivi du doigt les méandres des routes, rouges pour les grandes, jaunes pour les plus petites, à peine un filet noir pour les minuscules. Ceux – dont je fais partie – qui peuvent passer de longs moments à explorer Google Maps, à s’attarder sur des noms de lieux, à passer du mode graphique à la vue satelite.

Il est important, en lisant le long papier de Craig Mod, de se souvenir que Craig est aussi auteur et designer. Craig défend une idée de la création proche de celle de Godard pour le cinéma, Godard qui pourfendait les cinéastes qui ne travaillaient pas, qui ne s’exerçaient pas. Pour filmer, écrire ou peindre correctement, il faut filmer, écrire ou peindre chaque jour, il faut s’entraîner, il faut des milliers d’heures de pratique. Et Hi se veut un outil qui encourage les utilisateurs à écrire et photographier régulièrement, à pratiquer la photo et l’écriture chaque jour.

Le succès d’Instagram tient beaucoup à notre paresse : il est à la fois très facile de prendre une photo et de publier (clic, clic, et reclic), et très facile de consulter des photographies. Même s’il est possible de contempler longtemps une photographie, on en prend connaissance immédiatement, et on sait si elle nous plaît en un instant. On peut très facilement suivre quantité d’utilisateurs sans y passer des heures. Utiliser Instagram ne demande presque aucun effort, et prend très peu de temps.

En proposant l’ajout d’un texte court, puis en offrant la possibilité d’annexer un autre texte, celui-là plus long, à la photographie, et au point de géolocalisation, Hi engage son utilisateur dans quelque chose de plus chronophage, et de beaucoup plus exigeant. Penser que l’on va attirer, pour y pratiquer avec régularité l’écriture autour de lieux et de photographies, des gens sur une plateforme pensée pour cela est un pari audacieux. Parce qu’il existe déjà quantité de plateformes qui permettent cela, qu’il s’agisse de Facebook, de Twitter, de Tumblr, ou tout simplement des plateformes de blog traditionnelles comme Blogger ou WordPress. Le succès d’une plateforme tient à un subtil équilibre entre performance technique, qualités ergonomiques, pertinence de la proposition, vitesse d’adoption, exploitation de l’effet de réseau.

Craig Mod est passionnant, parce qu’il ne se contente pas de réfléchir au devenir du texte, des plateformes, des documents et de la publication. Auteur, designer, éditeur, conférencier, entrepreneur, mentor, Craig se situe à l’intersection exacte du monde de l’imprimé et de celui du digital, et il oscille en permanence entre la Silicon Valley où il réside, le Japon où il a vécu dix ans et où il retourne régulièrement, et New York.

Craig ne donne pas de leçons, il invente des solutions, conscient du fait que les formes de l’écriture et de la création numérique sont toujours en train de s’inventer.
Il interroge en permanence, dans ses écrits comme dans ses entreprises, la relation entre lecture et écriture, entre consultation et publication.

Ce que prend en compte son dernier projet, Hi, c’est l’apparition de la « vie extime », intermédiaire entre vie intime et vie publique, qui donne lieu à des formes de publication à la fois personnelles et génériques, qui ne relèvent pas de l’exhibition, mais plutôt de la reconnaissance du fait que nos vies se ressemblent en bien des points, et que c’est la manière de les raconter qui les rend éventuellement intéressantes.

HI – , comme Instagram ou Pinterest, est une proposition d’interaction, une invitation à partager instantannément ce qu’autrefois il était impossible de partager. On peut faire aujourd’hui bien des choses impensables autrefois. Pourquoi s’en priver ? C’est extraordinairement amusant de vivre dans une époque où de nouveaux outils sont inventés chaque jour, presque trop vite pour qu’on ait le temps d’apprendre à s’en servir avant qu’apparaisse l’outil suivant. Vous n’aviez pas encore apprivoisé Pinterest ? Voici Hi. Vous commenciez à vous sentir à l’aise avec Instagram ? Voici Vine. Voici Path.

Bien sûr, il y a derrière tout ceci de vraies bagarres, autour de jeunes start-ups qui veulent devenir grandes, ou bien se faire racheter très cher avant même d’avoir gagné leur premier dollar. Il y a aussi, derrière les succès de quelques plateformes, l’or de nos données personnelles, les secrets du marketing personnalisé, basé sur la revente de nos goûts et de nos préférences.

Par opposition, la force du livre imprimé se trouve non pas dans une prétendue « perfection » de l’objet, mais dans sa rusticité : l’anonymat de son acquisition et de sa lecture, la paisible évidence de sa possession et la liberté de son possesseur d’en disposer, l’absolue tranquillité de la lecture déconnectée, loin de toute sollicitation autre que celle voulue par l’auteur, portée par le texte lui-même.

Nous sommes les heureux contemporains d’une époque qui nous offre le meilleur du livre et le privilège de participer à l’invention d’un nouvel ordre des lectures et de la connaissance.

J’ai toujours du mal à suivre Hubert, par ailleurs toujours passionnant, lorsqu’il évoque le « basculement » de l’édition vers le web, comme s’il s’agissait d’un mouvement uniforme et inexorable, là où je vois un double mouvement :
– un effort concerté pour faire exister, avec toutes leurs caractéristiques, les livres sur le web – avec un format qui leur est propre, et des caractéristiques maintenues, non pas des caractéristiques physiques comme le skeuomorphisme le suggère, mais bien des attributs conceptuels, indispensables à la forme de lecture que le livre appelle,
– l’invention, directement sur le web, de nouvelles pratiques, de nouvelles manières d’inventer, de créer, d’échanger, de s’exprimer, qui ne sont pas ce qui va nécessairement succéder au livre, ou ce qui doit à coup sûr enterrer le livre, mais ce qui pourrait tout aussi bien le compléter, l’installer parmi d’autres pratiques.

Craig Mod participe des deux mouvements :
– Du premier mouvement, qui prolonge sur le web l’ordre des livres, lorsqu’il dévoile les secrets de la numérisation de son livre Tokyo Space, son choix du format EPUB, les astuces techniques pour créer un fichier adapté à chaque terminal – PC, tablette,smartphone, liseuse.
– Du second, lorsqu’il développe la version iPhone de Flipboard, ou dévoile son projet HI.

L’un des articles qui éclairent peut-être le mieux la réflexion de Craig Mod sur la « physicalité » du livre imprimé et l’intangibilité virtuelle de ses projets numériques est ici : il y raconte comment, à la fin de son expérience avec Flipboard, lorsque la version 1.0 de l’application sur laquelle il a travaillé a été chargée sur l’Appstore, il a voulu rendre tangible le travail réalisé avec son équipe sur ce projet, et qu’il a choisi pour cela de produire un… livre imprimé.

« Abstraitement, vous pouvez réfléchir au passage entre digital et physique comme à un passage entre non-clos et clos. A celui d’un espace sans coins explicites à un autre espace entièrement constitué de coins. »

C’est là une vision de designer, qui pense dans l’espace, et pour qui la définition du livre se rapporte à l’espace de celui-ci, qui se déploie d’un coin à l’autre de la page, puis d’un coin à l’autre d’un bloc de texte ou d’une image à l’intérieur de celle-ci. Sa pensée sur le livre est prise dans la trame invisible sur laquelle il positionne sa mise en page.

Et le plus beau cadeau qu’il a l’idée de faire à son équipe, avant de partir pour d’autres aventures, est celui d’enserrer entre les coins multiples d’un livre cadeau l’essence de leur expérience de quelques mois.

Il nous fait, à nous, des cadeaux successifs, en participant à l’invention d’un web qui encourage la créativité et réveille notre désir d’ajouter du sens à nos parcours, nos observations, nos voyages, nos flâneries. Bel été à tous !

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Toi aussi, tu peux écrire une nouvelle fin pour le dernier épisode de Gossip Girl

Non seulement tu peux écrire une fin alternative au dernier épisode de la saison 3 de ta série préférée, ça, tu pouvais déjà le faire depuis longtemps, et la publier par exemple sur le site fanfiction.net, mais bientôt, tu vas pouvoir la vendre sur Kindle Worlds, annoncé aujourd’hui par Amazon.Attention, il ne s’agit pas d’un nouveau canal d’auto-édition, mais bien d’un appel aux amateurs de fan fiction afin qu’ils adressent leurs écrits à Amazon. Afin d’éviter tous les ennuis juridiques pouvant découler de la réutilisation de matériel protégé par le droit d’auteur, Amazon a conclu un accord avec les ayants droit de ce qui est désigné par le terme « World », et que l’on traduira par Univers. Pour l’instant, Amazon a signé avec Alloy Entertainment, la société qui détient les droits des séries Gossip Girl, Pretty Little Liars, Vampire Diaries, un accord selon lequel les amateurs de fan fiction peuvent utiliser sans crainte d’être attaqués en justice chacun des univers de ces séries pour inventer de nouvelles aventures, des suites, des fins alternatives etc. Les histoires ainsi produites sont vendues, et auteurs comme ayants droit sont rémunérés. La part de revenu versée à Alloy Entertainment n’est pas indiquée, l’auteur quant à lui touche 35% du prix de vente au public pour les titres qui dépassent 10 000 mots, et 20% pour ceux inférieurs à cette longueur. Et aussi, il faut le noter, les auteurs de ces fan fictions cèdent tous leurs droits à Amazon, pour la durée du copyright, et pour le monde entier.

Amazon ne publiera pas systématiquement tous les titres qui lui seront adressés, se réservant le droit d’écarter ceux qui ne correspondent pas aux « Content Guidelines », qui sont les suivantes :

  • Pornographie : nous n’acceptons pas de pornographie ou de descriptions visuelles choquantes d’actes sexuels.
  • Contenu choquant : nous n’acceptons pas de contenu choquant, ce qui inclut mais ne se limite pas aux injures racistes, aux éléments excessivement violents, ou au langage excessivement grossier.
  • Contenu illégal : nous prenons les violations de la loi et de la propriété intellectuelle très au sérieux. Il en va de la responsabilité des auteurs de s’assurer que leur contenu ne contrevient pas aux lois du copyright, des marques déposées, à la protection de la vie privée, et à d’autres droits.
  • Mauvaise expérience utilisateur : nous n’acceptons pas les livres qui fournissent aux utilisateurs une piètre expérience. Cela inclut pas exemple les livres mal formatés, les livres disposant de titres, couvertures ou description de produit trompeurs.
  • Usage excessif des marques : nous n’acceptons pas l’usage excessif de noms de marques ou l’inclusion de nom de marques en tant que publicité payante ou promotion.
  • Recouvrement : aucun recouvrement entre différents Univers n’est permis, ce qui signifie que votre Œuvre ne peut inclure aucun élément issu d’un livre, fim ou autre, protégé par le copyright venant d’un autre Univers que celui que vous avez initialement choisi.

Encore une fois, Amazon avance à grand pas. On sera attentif à l’accueil qui va être fait à cette offre par les amateurs de fan fiction, et on est assez bluffé de la manière dont Amazon prend les usages réels des auteurs de fan fiction au sérieux, pour bien sûr, on ne se refait pas, imaginer aussitôt des moyens de monétiser ces usages. Seul un acteur de la taille d’Amazon était probablement en mesure de conclure de tels accords avec les ayants droit d’univers transmedia de renommée mondiale.

Amazon propose aux auteurs de fan fiction, qui n’avaient rien demandé et semblaient assez heureux sur leur petit coin de web, une rémunération, perspective à laquelle beaucoup d’entre eux auront probablement du mal à résister. Même si, pour la plupart, les ventes seront très faibles et les revenus minces. Mais contrairement aux auteurs auto-édités, qui conservent tous leurs droits et à qui il faut, en cas de succès, si l’on souhaite signer un contrat avec eux, verser des à valoir qui peuvent très vite monter si plusieurs éditeurs s’intéressent au même auteur, les utilisateurs de Kindle Worlds se transformeront immédiatement en « machines à cash » en cas de très gros succès, directement au profit d’Amazon, qui n’aura absolument pas besoin de proposer le moindre à valoir, ni d’enchérir sur des propositions tierces – les droits auront été cédés dès le départ, droits mondiaux pour la durée du copyright : il fallait y penser.

Le fallait-il vraiment, à votre avis ?

 

 

 

 

 

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Hackathon de l’édition à New-York

Vous aimez coder, l’édition, les livres numériques, les métadonnées, les défis, les APIs et les pizzas ? Vous étiez à New-York ce week-end ? Alors vous vous êtes probablement retrouvé à l’espace de coworking The Alley, pour participer au Publishing Hackathon. Et si comme moi vous n’y étiez pas, mais que vous vous intéressez au numérique, et à ce qu’il fait ou pourrait faire aux livres, vous avez peut-être suivi le mot-dièse #pubhack et été scruter le site de l’événement.

paidContent en fait un court compte-rendu aujourd’hui, et ça tombe bien parce que je veux faire un billet court, je vais faire des billets plus courts maintenant, pour essayer d’en écrire plus souvent, je suis tellement triste de voir ce blog abandonné, où personne ne tond plus la pelouse, ni ne taille la haie, ni ne repeint les volets…

PaidContent ( vous imaginez en France un site qui s’appellerait « contenu payant »… succès assuré… mais Laura Hazard Owen est à mon avis l’une des journalistes les mieux informées et les plus compétentes dans le domaine du livre numérique…), paidContent donne la liste des 6 finalistes (sur 30 équipes, soit 200 participants, beau succès) :

  • BookCity : un moyen de trouver des livres adaptés à votre destination de voyage.
  • Captiv : vous recommmande des livres en fonction de votre activité sur Twitter.
  • Coverlist : une solution qui se consacre à la navigation parmi les visuels de couverture de livres.
  • Evoke : une manière de découvrir des titres de littérature jeune adulte en naviguant parmi les titres par émotions : « Les lecteurs peuvent indiquer s’ils préfèrent être inspirés, mis au défi, amusés, ou informés tout au long de leur prochaine lecture, sur la base d’un contenu généré par un « audience en commun ».
  • KooBrowser : pratique la recommandation de livres sur la base de vos habitudes de surf sur le web.
  • LibraryAtlas : une solution de découverte de titres basée sur la géolocalisation.

Eric Hellman, qui y a participé, donne une liste complète des projets et détaille le sien sur son blog. Il écrit également, et je conclurai ainsi ce billet, dont j’ai annoncé qu’il serait court :

« Il est intéressant de noter que sur 30 projets, seulement 3 concernent les livres numériques, ce qui me semble un peu idiot, si l’on considère l’importante transition que vit aujourd’hui l’industrie du livre, du papier vers le numérique. Ce qui domine ce sont les applis (7), les sites web (21), et c’est en partie dû au fait que le thème du hackathon était la découverte des livres, mais cela en dit aussi un peu sur l’univers des nouvelles technologies. Ce à quoi les entreprises technologiques s’intéressent aujourd’hui, c’est aux applis, et aux sites webs, pas aux livres numériques. Vraiment, la communauté issue du monde de l’édition qui travaille sur le développement de livres numériques et des standards du livre numérique devrait s’adresser plus fortement aux développeurs : ce hackathon a été un premier pas. »

 

 

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Goodreads, Amazon, et le « digital labor »

L’achat du réseau social dédié à la lecture Goodreads par Amazon a suscité toute la semaine de nombreuses réactions, pas mal de supputations sur le prix payé par Amazon, et de nombreuses questions.

Pour ceux qui ne connaissaient pas Goodreads, il s’agit d’une sorte de Babelio, mais américain. Et pour vous qui ne connaissez pas Babelio, en quelques mots, il s’agit d’un réseau social de lecteurs : chacun peut y cataloguer, commenter, citer, taguer les livres qu’il a lus, et consulter les critiques des autres lecteurs, découvrir des lecteurs possédant des bibliothèques ressemblant à la sienne. J’avais écrit, lors de l’ouverture de Babelio, un long billet à l’occasion de la saisie d’une partie de ma bibliothèque

Depuis, je suis de près la progression de Babelio, avec qui de nombreux éditeurs travaillent. Régulièrement, des opérations permettent aux utilisateurs du site de recevoir des titres envoyés par leur éditeur, en échange d’une chronique. Et Babelio fait également un travail important avec les métadonnées, faisant converger vers ses pages tout ce qui peut être trouvé sur le web qui va documenter les livres et les auteurs catalogués sur le site : vidéos, interviews, articles de presse.

J’ai entendu récemment la directrice d’une collection de littérature réputée dénigrer Babelio. « Pensez-vous, des critiques écrites pas les gens, par n’importe qui, des « j’aime-j’aime pas », c’est vraiment affreux… » Elle m’a semblée aussi pompeuse que ce jeune étudiant interviewé pour le journal télévisé au moment du lancement des premiers livres de poche…

Non seulement « les gens » lisent, mais voilà qu’ils écrivent à propos de leurs lectures, comment osent-ils ?

Une réflexion critique émerge, d’une toute autre nature, concernant les sites comme Goodreads, Babelio, Shelfary ou LibraryThing, par exemple chez Lisa Nakamura professeur au département Culture Américaine et au Département Cultures et arts de l’écran à l’université Ann Arbor (Michigan) :

 » Goodreads transforme le lecteur en travailleur, en producteur de contenu, et en cela il confie le travail de la lecture et de la mise en réseau à la foule. Dans les temps anciens du livre imprimé, les livres coûtaient quelque chose, et parler des livres avec des amis était gratuit. Aujourd’hui, les livres sont gratuits sur Google Books et Internet Archive et, à la grande consternation des éditeurs, sur les réseaux comme Pirate Bay ou Media Fire, mais nous payons pour constituer des communités de lecteurs comme Goodreads. Nous payons avec notre attention, notre capital de lecture, nos LOLS, nos classements, nos conversations, nos remarques sur le récit les personnages ou la tradition littéraire. »

Antonio A. Casilli reprend et explicite sur son blog la notion de « digital labor », et on y accède aussi au podcast d’un Place de la Toile dédié à ce sujet, dont il était l’invité. Cette notion de « travail gratuit » réalisé par les utilisateurs de nombre de sites de médias sociaux est centrale dans le très intéressant rapport dit Colin et Collin, dont le titre n’encourage guère le profane à la lecture : « Mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique ». C’est un billet de Christian Fauré – billet critique – qui m’a fait dépasser le petit blocage lié au titre, et je n’ai pas regretté cette lecture. Il est dit notamment, comme en écho avec le passage cité de Lisa Nakamura :

« La collecte des données révèle le phénomène du « travail gratuit ». Dans l’économie numérique, tout laisse des traces. Du fait du suivi régulier et systématique de leur activité en ligne, les données des utilisateurs d’applications sont collectées sans contrepartie monétaire. Les utilisateurs, bénéficiaires d’un service rendu, deviennent ainsi des quasi-collaborateurs, bénévoles, des entreprises. Collectées, stockées et traitées pour être intégrées en temps réel à la chaîne de production, les données issues de leur travail gratuit contribuent à brouiller la frontière entre production et consommation. Attirés par la qualité des interfaces et les effets de réseau, les utilisateurs deviennent, à travers ces données, des auxiliaires de le production et créent une valeur générant des bénéfices sur les différentes faces des modèles d’affaires »

Le brusque rachat de Goodreads par Amazon fonctionne, à l’instar de l’arrêt annoncé de Google Reader, comme un rappel à l’ordre. L’utilisateur qui a catalogué sa bibliothèque, s’est lancé dans de longues conversations en ligne, a enrichi Goodreads de centaines de chroniques, vaguement conscient de contribuer à créer une puissante communauté, s’aperçoit qu’il va désormais renforcer, par ses contributions, non plus une sympathique start-up, toujours prête à partager ses données, mais l’un des 5 méga-entreprises qui se partagent la possession de nos vies numériques : Amazon (les quatre autres étant Google, Facebook, Apple et Microsoft).
Quant au malheureux (ou la malheureuse comme moi… ) qui faisait confiance à Google Reader, il/elle va devoir lui trouver d’ici juin un successeur, mais demeurera troublé(e) : n’importe lequel des services qu’il/elle utilise au quotidien, qui font partie de son environnement de travail, peut disparaitre, sans recours possible.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce rachat, qui confirme une fois de plus une évolution extrêmement rapide de l’écosystème du livre depuis l’avènement du web, évolution qui va bien au delà de l’apparition du livre numérique, mais peut toucher tous nos livres et toutes nos lectures : la manière dont nous les trouvons, les choisissons, dont nous les achetons, dont nous en parlons. Une industrialisation qui inclut le lecteur, engagé volontaire dans un processus dont il n’a le plus souvent qu’une idée vague. Si ce rachat éclaircira les idées de quelques uns, il donne surtout à Amazon une nouvelle fois quelques longueurs d’avance sur ses compétiteurs. Des longueurs dont personne, vraiment personne n’avait besoin.

Goodreads' success story [infographic] | Ebook Friendly

Via Ebook Friendly
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Le livre : en danger, ou dangereux ?

Un peu comme quand je m’achète une nouvelle robe et que j’ai envie de la mettre tout de suite, sans aucune autre raison que le désir de l’étrenner, me voici écrivant un billet simplement parce que je viens de passer quelques heures à faire une mise à jour de ce blog que je retardais depuis des mois. Pour inaugurer la nouvelle robe de teXtes, je me suis livrée à un exercice que j’aime bien, qui consiste à vous traduire un extrait d’un texte qui m’a intéressé. À vous, plus tard, si le cŒur vous en dit, d’aller voir l’ original en anglais et de lire le texte complet.

Cette fois-ci, il s’agit d’un extrait tiré d’un long texte de Richard Nash, Richard que j’avais déjà traduit du temps où il tentait de lever des fonds pour le site Red Lemonade, avant de décider de continuer à suivre ce projet en mode « non profit » et de rejoindre la start-up Small Demons, l’une des réalisations les plus abouties que j’ai vues parmi les nombreux sites qui se proposent de nous aider à découvrir des livres.

Le texte de Richard, intitulé  » On the business of littérature« , est paru dans la Virginia Quarterly Review, et propose un long voyage dans le temps avec les livres, ainsi qu’un bref rappel de l’histoire du copyright. Mais c’est un passage singulier que j’ai eu envie de traduire, parce qu’il rejoint une idée que je partage, et que l’on pourrait résumer ainsi : « Non, le livre n’est pas en danger. En réalité, c’est le livre qui est dangereux. »

« Il y a quelques années, j’ai rencontré le gourou des jeux vidéos Kevin Slavin, un homme qui pourrait être considéré comme un « ennemi » [des livres]. À la fin de notre rencontre autour d’un café, il est resté silencieux quelques secondes et a dit ensuite que ce que les livres et les jeux avaient en commun, c’était que les uns comme les autres récompensent l’itération. Plus vous jouez, plus vous lisez, plus vous vous perfectionnez, et plus vous prenez de plaisir. Ce qui , une fois intégré dans mon mode de pensée, donne : dans un jeu vous vous demandez quelle porte vous allez traverser ; dans les livres vous vous demandez à quoi pensait tel personnage en franchissant cette porte.. Il vous faut imaginer la couleur de la porte, son matériau, comment est sa poignée, si celle-ci est chaude ou froide au toucher de celui qui l’ouvre.

L’absence de vidéo, le manque de son, l’impossibilité de modifier les rebondissements de l’intrigue ( ce que l’on dénomme assez sommairement « interactivité »), est une caractéristique de la littérature, et non un bug. Et, en réalité, les livres sont interactifs. Ils contiennent des recettes destinées à notre imagination. À l’inverse, la vidéo est restrictive elle vous montre à quoi ressemblent les choses, vous fait entendre le son qu’elles produisent.

Les livres ont résisté aux changements apportés dans la manière de raconter des histoires, qu’il s’agisse du cinéma ou de la télévision. Et les livres ont eux même été des agents de disruption à de nombreuses reprises, ébranlant l’église de Rome et l’aristocratie française, l’establishment médical du moyen-âge puis celui du dix-neuvième siècle. Et donc, cette croyance bien installée aux confins de la Silicon Valley, que les jours sont comptés pour des formes de narration longues constituées uniquement de texte ( en témoigne le scepticisme de Tim O’Reilly dans son interview avec Charlie Rose, ou les continuelles références aux voitures tirées par des chevaux, ou le nombre de plateformes multimédia développées en vue de remplacer le livre) cette croyance est à la limite du ridicule. »

La vidéo, pas plus que le cinéma, n’est restrictive : ce que Richard veut dire, et il aime le cinéma, c’est qu’elle ne constitue pas un « progrès » par rapport au texte. C’est qu’elle ne vient pas compléter un handicap du pauvre-texte-privé-d’image-animée-et-de-sons. C’est que le texte n’a pas besoin d’images et de sons, parce qu’il les convoque dans notre imagination. Le texte s’étend dans notre esprit, le cinéma y pénètre, les deux, chacun selon des modalités bien différentes, nous emmènent hors de nous, hors du temps, hors du lieu où nous lisons et regardons.

Dans un tout autre registre, on passe d’une parole d’éditeur à la parole d’un auteur, le beau texte de Mahigan Lepage, « écrire, c’est courir sur un cri », refuse l’assignation de la littérature à un support, tout en affirmant que, bien sûr, le support n’est pas indifférent. Il faut lire les sept séquences, il faut commencer par le début, par l’enfance en Gaspésie, pour comprendre d’où vient le cri, pour comprendre pourquoi il faut courir.

« Je dis que le cri n’a pas d’ancrage. Cela ne veut pas dire que le support soit insignifiant. De nouvelles formes naissent de nouveaux supports. Un cri lâché sur Twitter aura certainement une forme plus fragmentée qu’un cri comme On the road de Jack Kerouac, lancé sur un rouleau de papier ininterrompu, sans sauts de paragraphe, avec le son de mitraillette de la machine à écrire. On commence à les voir émerger les nouvelles formes, souvent brèves et non linéraires, mêlées de son et de vidéo, que le numérique suscite.

Et un même texte peut passer du blog, au livre numérique, au livre papier, à une lecture à haute voix, puis revenir au blog sous forme sonore ou vidéo. Il n’y a pas de limite.

Le cri n’est pas assigné. Et cela veut dire aussi, enfin, qu’il n’appartient à personne. Le cri n’est pas le fait d’un sujet, qui pourrait s’en revendiquer. Quand on crie de colère, ne dit-on pas qu’on ne se possède plus ? Le cri défait l’identité de la parole avec un locuteur. Le cri, ce n’est pas nous : c’est la colère qui passe à travers nous.

Qu’est-ce qui fait que certains crieront, et d’autres pas, je ne sais pas. Peut-être que certains en ont besoin, d’autres non. Peut-être que certains le peuvent, et d’autres pas. Qu’est-ce qui fait que ça nous arrive et nous traverse ? C’est un rugissement. ça nous prend et on n’est plus maître. Et c’est peut-être cela qui fait le plus de bien : on est libéré de son moi-même. Même si on parle de soi, même si on reste proche de l’expérience (et il le faut), il reste que pendant qu’on écrit, on ne pense plus à ses petits problèmes. Les petits problèmes, les pensées, c’est toujours la même chose : comment moi je vais me défendre contre le monde. Soudain, on ne se défend plus. On ne pense plus. On est hors de soi. On court sur un cri. »

 

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