Angry birds et Stieg Larsson

Annonces de tablettes et de liseuses en pagaille, ces derniers jours, et les commentaires et supputations qui vont avec. Il y en a dans la blogosphère qui suivent de bien plus près que moi l’actualité des machines à lire, avec constance et talent. Voici une petite liste récapitulative, et non exhaustive, des terminaux annoncés ces derniers jours :

la tablette Amazon
la tablette Sony
la liseuse Sony
-une nouvelle tablette Nook de Barnes & Noble
– une nouvelle liseuse Fnac
– l a tablette Lenovo
– la tablette Pockettbook
une version allemande de la liseuse Kobo
la liseuse iRiver Story HD

Quelques remarques concernant cette salve d’annonces :

– Elles n’ont évidement pas le même impact, selon qu’elles émanent de simples fabricants (Lenovo, Pockettbook ) ou d’acteurs déjà positionnés, ou bien en train de se positionner, dans la vente de livres numériques (Amazon, Barnes & Noble, Sony, Kobo).

– La question souvent posée dans les très nombreux commentaires qui anticipent la prochaine arrivée de la tablette Amazon, est celle-ci : « Va-t-elle réussir à détrôner l’iPad, qui domine aujourd’hui complètement le marché des tablettes ? » Il n’est pas inintéressant de regarder cette interview vieille d’un an, donnée par Jeff Bezos à Charlie Rose. A 4’25 », Jeff Bezos, qui répond à la question de la menace que l’iPad représente pour le Kindle, déclare :

photo de Jeff Bezos

Jeff Bezos

« L’activité numéro un aujourd’hui sur iPad, si vous regardez les statistiques, est celle qui consiste à jouer à un jeu nommé Angry Birds où vous lancez des oiseaux sur des cochons pour les faire exploser. L’activité numéro un sur le Kindle, c’est la lecture de Stieg Larsson. »

Est-ce que Jeff Bezos aurait changé d’avis ? Est-il devenu addict à Angry Birds et souhaite-t-il que chacun y joue désormais sur une tablette de sa marque ? Ce n’est probablement pas sur ce terrain que se situe le champ de bataille, mais la bataille existe bel et bien. La question à formuler ressemblerait plutôt à : « La tablette Amazon n’est -elle pas destinée à continuer d’assurer la suprématie d’Amazon sur le marché du livre numérique ? » Sur ce marché, Apple qui fait un tabac avec l’iPhone et l’iPad, n’a pas réussi pour le moment à menacer Amazon, et aux Etats-Unis, l’acteur qui rivalise avec Amazon, dans la vente de livres numériques, ce n’est pas Apple, c’est Barnes & Noble avec sa librairie couplée avec deux types de terminaux, une liseuse et une tablette, le Nook Color. Et la nouvelle tablette lancée par Amazon est probablement plus une réponse au Nook Color qu’une tentative de rivaliser avec l’iPad. C’est aussi, et cela a été dit, une ouverture vers les types de livres que les liseuses ne peuvent accueillir, principalement les manuels scolaires et universitaires, ainsi que tous les livres illustrés et à la mise en page sophistiquée. Ces livres sont déjà commercialisés au format Kindle, mais lus aujourd’hui sur des terminaux qu’Amazon ne contrôle pas, et auxquels un ensemble complet de dispositifs de lecture donne accès : Kindle pour PC, Kindle pour iPad, iPhone, et pour terminaux sous Androïd.

Aussi, il est fort probable que la prochaine tablette d’Amazon va continuer de cibler en priorité les lecteurs, et de chercher à répondre à leurs attentes, telles que les décrivait Jeff Bezos dans cette même interview en juillet 2010 :

« Ils veulent un terminal spécialement construit, pour lequel aucun compromis n’a été fait, et où chaque décision concernant le design tout au long du processus a été faite pour qu’il soit optimisé pour la lecture »

Une autre question, parfaitement posée dans ce billet d’Hubert Guillaud est : « pour quelle lecture ? »

Car ce qui change, et qui devrait occuper intensément les éditeurs dans les années qui viennent, ce n’est pas seulement la manière dont les livres sont produits, distribués et vendus. Mais c’est aussi la manière dont ils sont lus, dans un monde où lecture et écriture se rapprochent, tout comme se rapprochent écriture et publication.

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Evan Schnittman change de lunettes

Dans ce qui va être le dernier billet de son blog « Black Plastic Glasses », Evan Schnittman, aujourd’hui Directeur des ventes et du marketing groupe (papier et numérique) chez Bloomsbury, explique pourquoi il a décidé d’arrêter. Le déclic s’est produit alors qu’il se trouvait dans une réunion de préparation d’une conférence sur le numérique dans l’édition, et Evan a participé à quantité de conférences de ce type. Il a eu soudain une impression de déjà-vu, puis, s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’une impression de déjà-vu : il était bel et bien en train d’entendre parler – et de parler lui-même – des mêmes concepts, de concocter des tables rondes et des ateliers sur les mêmes thèmes, de chercher des titres pour les mêmes sessions que lors d’une réunion identique, dans la même pièce, avec les mêmes gens, un an avant… Il a alors pris conscience du fait que quelque chose avait changé. Que ce qui avait alimenté ces conférences, que ce qui lui avait donné envie de bloguer, c’était le surgissement de quelque chose de nouveau et la nécessité de partager avec les autres personnes conscientes de l’importance de ce virage qui s’annonçait, et de l’importance de développer des réflexions et de diffuser les idées relatives à ce qui commençait à se passer. Lorsqu’il avait commencé à participer à ces réflexions, ces conférences, ces conversations dont son blog intitulé « Black Plastic Glasses » faisait partie, il s’occupait de développement numérique aux presses universitaires d’Oxford.

Mais plusieurs choses ont changé depuis cette époque, nous dit-il :

« Nous avions la même discussion parce que nous parlions du numérique comme s’il s’agissait d’une nouvelle manière de penser, de publier, de vendre etc. Nous faisions cercle autour de la carcasse d’un sujet qui avait déjà été débattu à l’infini, parce qu’il ne s’agissait alors que de spéculations et de postulats. Et rien n’alimente mieux les débats et les discussions que la spéculation et les postulats.

J’ai réalisé à ce moment précis que le monde de l’édition est déjà si radicalement transformé par le numérique, que le numérique n’est plus un sujet à part/sous-domaine/thème/raison d’être. Le numérique a cessé d’être une entité indépendante, isolée, séparée; le numérique est aujourd’hui intriqué dans l’ensemble des processus du monde de l’édition. Ainsi, alors que nous étions assis à essayer de déterminer le thème d’une conférence qui se tiendrait devant des centaines de participants et des milliers en plus en vidéo et sur Twitter, nous nous sommes retrouvés rivés à ce qu’il serait possible et utile de discuter.

Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de discuter ouvertement de tous les sujets, parce que tous ces sujets sont aujourd’hui le fondement de notre activité d’entreprise. L’édition est numérique et chaque chose que nous faisons est désormais basée sur le numérique. Toute discussion authentique sur la manière dont nous approchons les affaires est une discussion sur le cŒur de notre stratégie… et cette discussion est en général, sinon toujours, une discussion qui ne peut avoir lieu qu’au sein d’un cercle très limité. »

L’autre raison donnée par Evan à l’arrêt de son blog, c’est son changement d’employeur. Lorsqu’il travaillait pour les presses universitaires d’Oxford, il observait en quelque sorte de l’extérieur le monde du « trade publishing » – l’édition commerciale ou grand public – alors en devenir. Il occupe aujourd’hui un poste important chez Bloomsbury, au cŒur de la mêlée.

Bon, me direz-vous, mais qu’est-ce que ça peut bien te faire, que cet Evan Schnittman arrête son blog ? Et bien ça me fait. Parce que lorsque j’ai eu l’occasion de rencontrer Evan Schnittman l’an dernier à New York, c’est justement de nos blogs respectifs que nous avons discuté, et de ce que le fait de bloguer l’un et l’autre nous avait apporté. Evan était encore alors chez Oxford University Press où il avait reçu notre petit groupe, et nous avions été très impressionnés par cette rencontre, par la clarté de sa vision, et la manière dont il analysait les enjeux du moment, la place des différents acteurs. Je l’ai aussi entendu à la Foire de Londres, lors d’une brillante intervention où il comparait les positions respectives de Google, Amazon et Apple vis à vis du livre numérique.

Je me pose parfois des questions sur le fait de continuer à bloguer. Nous n’en sommes pas encore, en France, au même stade d’intégration du numérique dans le monde de l’édition qu’au Royaume Uni et à fortiori aux USA, pays dans lesquels opère Bloomsbury. Ici, peut-être avons-nous encore besoin de conversations, même si les choses se mettent en place et que nombreux sont ceux qui ne se contentent plus depuis longtemps de supputer et de discourir.

Evan termine son billet avec une photo : lui et ses nouvelles lunettes, lui dans une nouvelle époque. Il précise qu’il ne renonce pas à bloguer. Il clôt une période, celle où il portait des lunettes à monture de plastique noir, et celle où il bloguait sur l’impact du numérique sur le monde de l’édition.

Moi, pour l’instant, j’attrape mes lunettes de soleil, et je vous dis à bientôt.

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« We have removed the kobo store from the within application »

Apple l’avait annoncé, un changement devait se produire après le 30 juin, pour les applications de ses concurrents permettant l’achat et la lecture de livres numériques sur iPAd – iPhone – iPod Touch. Ces applications, qui permettent à des clients d’Amazon, de Kobo, de la Fnac, d’acheter, de télécharger et de lire leurs livres numériques directement depuis leur mobile, ne pourront plus conserver de fonction « acheter », sauf si elles proposent l’inApp Purchase, soit la solution de vente d’Apple, qui permet le paiement via le compte iTunes du client. Et Apple demande 30% du montant de la transaction à ceux qui utlisent l’inApp Purchase. Jusqu’à présent, rien de concret ne s’était produit, mais voici qu’arrive la nouvelle version de l’application Kobo, et, de fait, elle ne permet plus l’achat de livres numériques . Accepter de reverser à Apple 30% du montant des transactions effectuées via leur application iPad est hors de question : cela signifierait pour Kobo reverser à Apple la totalité ou plus du montant perçu pour chaque vente.

Coup dur pour Kobo, et les autres plateformes qui seront probablement contraintes de se soumettre à la même règle au fur et à mesure de leurs mises à jour. (mise à jour 25 juillet : c’est fait pour l’appli Kindle, et aussi pour Bluefire…)

On sait que la simplicité d’achat est un élément clef dans la fidélisation des clients, et pour tous ceux qui lisent en numérique exclusivement sur leur terminal Apple, l’obligation de quitter l’application de lecture, d’ouvrir le navigateur, d’acheter le livre numérique sur le site web, pour ensuite ouvrir ce fichier via l’application est un vrai handicap. Miser sur les tablettes non iOS ? Il semble qu’aucune d’elle ne décolle réellement pour le moment, et qu’Apple risque de continuer à dominer le marché pendant une longue période, réitérant la performance réalisée avec le couple iPod /iTunes.

La solution : à terme, probablement des applications web, écrites en HTML5, et sur lesquelles Apple ne pourra imposer cette règle, qui ne s’applique qu’aux applications soumises à son approbation, celles qui sont téléchargeables sur l’Appstore. Plus ça va, plus il semble qu’HTML5 va introduire de profonds changements sur le web, même si aujourd’hui le fait qu’il ne soit pas ou mal supporté par les versions encore largement utilisées d’Internet Explorer (IE8) constitue un problème. Il existe cependant déjà des applications de lecture, comme Ibis Reader, qui utilisent cette technologie.

La société Apple a fait beaucoup parler d’elle cette semaine, avec la publication de résultats records, et le lancement de son nouvel OS, Lion, que je n’ai pas encore trouvé le temps d’installer. Un petit fait intéressant qui indique peut-être une tendance qui pourrait bien se développer dans l’édition numérique : le long article de John Siracusa passant en revue l’ensemble des fonctionnalités de Lion, publié dans la revue en ligne Ars Technica, a fait l’objet d’une « Kindle Single édition » : L’article est devenu un livre numérique en format court, vendu 5 $, alors qu’il est par ailleurs disponible gratuitement sur le web. Il semble que certains soient prêts à payer pour disposer de cet article en version Kindle, (le livre numérique a été téléchargé 3000 fois en 24h, comme l’indique cet article du Nieman Journalism Lab …)

Mais cet article/ebook, décrivant par le menu le dernier iOS d’Apple sera-t-il achetable directement via la prochaine version de l’application Kindle sur iPad ?

La puissance d’Apple lui permet de changer les règles en cours de route, d’imposer ses règles à d’autres acteurs (les premiers concernés par cette règle de l’inApp puchase ont été les acteurs de la presse, dont certains s’y sont pliés, d’autres ont cherché des échappatoires). Cette puissance, conquise par une firme qui a su créer des produits incroyablement attractifs, génère aussi des résistances : certains refusent de se laisser enfermer dans le confort des solutions Apple, les mêmes souvent qui résistent aux sirènes de Facebook et de Google, bien décidés à ne pas s’offrir en pâture publicitaire, bien décidés à conserver le contrôle de leurs données, de leur identité numérique. Karl Dubost fait partie de ceux qui résistent, et il s’en explique dans un billet joliment titré :  » pour une communication ouverte sublime« . François Bon, qui utilise machines et logiciels Apple, s’est emparé tôt de Facebook, a ouvert sans tarder un compte Google+, François, qui aime aussi à penser tout haut sur Twitter dès les premières heures du matin, se défend de faire exactement une réponse à Karl, mais entre en résonance avec lui, dans un long billet intitulé, avec un clin d’Œil à La Boétie, « de la servitude réseaux ». Par mes usages des réseaux sociaux je crois bien que je suis moi aussi plutôt du côté de la « servitude volontaire », même si teXtes, auquel j’essaie vaillamment de redonner un peu vie ces jours-ci, est installé sur un serveur auquel j’ai accès chez mon hébergeur, et si je suis bien propriétaire de l’improbable nom de domaine archicampus.net.

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Le saviez-vous ?

Belle initiative de Penguin USA pour aider les libraires indépendants à promouvoir leur activité de vente de livres numériques.

Les affichettes, probablement des éléments cartonnés autoportants, sont personnalisés au nom de chaque librairie – ici la librairie « The Book Nook and Java Shop »à Montague, dans le Michigan – , et comportent un QR code qui permet au visiteur de se connecter directement au site de vente du libraire.

Cette campagne qui fait aussi la promotion de l’éditeur, de quelques uns de ses titres, et de Google ebooks, pourra-t-elle conduire quelques clients à préférer acheter leurs livres numériques chez leur libraire plutôt que sur Amazon, Barnes & Noble, Kobo ou directement sur Google ?

Rappelons que Google a passé un accord avec l’association des libraires américains ( American Boksellers Association) qui permet aux libraires qui le désirent de vendre des livres numériques via le service Google ebooks.

Je n’ai pu trouver aucun chiffre concernant les performances de ces librairies « powered by Google », ni sur Google ebooks de manière générale, mais il semble que le service de Google ne concurrence pas encore violemment les Amazon, Barnes & Noble, Apple ni même Kobo.

Sur TeleRead chez qui j’ai trouvé cette information, Chris Walters critique au passage l’expérience d’achat sur Google ebooks :

« La dernière fois que j’ai essayé, j’ai du me créer un compte pour la librairie, lier ce compte à mon compte Google, utiliser ma carte de crédit – alors que mes informations de carte de crédit sont déjà mémorisées chez Google) et cliquer sur des boutons sur des boîtes à cocher sur de multiples écrans ».

Il ne me semble pas anormal que le service lui demande ses informations bancaires, car c’est le libraire qui effectue la transaction, même si la solution technique est fournie par Google, et Google ne peut communiquer les coordonnées bancaires de ses clients. On sait bien que le premier achat d’un livre numérique chez un libraire indépendant, ici aussi, n’est pas exempt de ces frictions que l’internaute déteste par dessus tout, et on aimerait pouvoir les lui éviter.

Les DRM, je sais. Adobe Editions, je sais. Mais même sans les DRM, l’inscription sur le site, la saisie des coordonnées bancaires sont des étapes indispensables qui rendent fastidieux le premier achat. C’est vrai aussi chez les acteurs qui font de l’immédiateté et de la simplicité leur spécialité : vous avez fait ces manŒuvres désagréables lorsque vous avez ouvert votre compte iTunes, par exemple. Mais vous l’avez fait une fois, le jour ou vous veniez d’acheter votre iPhone ou votre iPad, tout à la joie de prendre en main votre nouveau joujou, et vous avez oublié cet effort, et ne vous souvenez que de la facilité avec laquelle vous procédez aujourd’hui.

Allez, pour votre libraire, pour y revenir souvent ensuite, un petit effort…

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Plus plus plus

Parmi les quelques conversations que j’ai vues apparaître grâce à mon nouveau compte Google+, il y en a une qu’il me paraît intéressant d’évoquer dans ce blog, et je ne vais pas laisser passer l’occasion de réveiller teXtes, qui dort depuis plus d’un mois maintenant. Comment ai-je perdu le rythme ? Je suis passée progressivement en mode lurker, voyant défiler les infos, casant un RT de temps en temps sur Twittter, continuant de sauvegarder des signets dans Delicious, voyant la conversation se poursuivre ici et là, perdant progressivement cette dynamique à base de simplicité, de spontanéité, de curiosité, d’entrain et de désinvolture indispensable au blogueur. Cela ne m’a pas empêchée de créer mes premiers cercles sur Google +, je sais bien que l’on ne peut rien dire au sujet d’un nouveau dispositif avant de l’avoir utilisé assez longuement, mais même là, je me suis trouvée comme intimidée, une fois créés mes cercles, comme si j’étais moi-même encerclée dans ce silence que j’ai laissé s’installer progressivement…

J’ai trouvé intéressante la discussion entamée sur le site Publishing Perspective, et poursuivie sur Google+, suite à l’article intitulé « Sprechen Sie Kobo ? ».

Cet article annonce et commente l’ouverture de Kobo en Allemagne, trois mois après l’arrivée de l’offre Kindle d’Amazon.

Puis il est indiqué que le catalogue de livres numériques disponibles sur Kobo est plus important que celui disponible sur Amazon, avec les chiffres suivants :

« Le Store Kobo allemand contient 2,4 millions d’ebooks, dont 80 000 en langue allemande. « 

à comparer avec les

« 650 000 e-books, dont approximativement 25 000 en langue allemande »

chez Amazon.

Sebastian Posth indique en commentaire que ces chiffres ne signifient pas grand chose si on ne les accompagne pas de précisions. Amusant, Hadrien Gardeur poste un commentaire assez équivalent sur Google+.

Le terme ebook recouvre en effet différents formats, et différents types de catalogues. Les nombres indiqués sont la somme du nombre d’EPUBS et de PDF (sachant que les PDF sont généralement illisibles sur Kindle ou liseuse Kobo), et mélangent domaine public, livres auto-édités et catalogues d’éditeurs.

Parmi les 60 000 titres en langue allemande annoncés chez Kobo, 25 000 seraient des EPUBS (le nombre annoncé par Amazon – qui les diffuse dans son format propriétaire, mais génère les fichiers MOBI à partir des EPUB).

Le nombre qui intéresse le plus les utilisateurs de liseuses est, selon Sebastian Posth, le nombre de fichiers en allemand, fournis par des éditeurs au format EPUB.

Sebastian indique également qu’il n’est jamais fait mention, dans les articles concernant le marché du livre numérique en Allemagne, des deux principaux distributeurs que sont libri.de et ciando.com, tous deux également e-libraires, possédant l’offre la plus exhaustive, et qui alimentent les principaux revendeurs. Seule Libreka, la plateforme interprofessionnelle issue du Börsenverein, est citée dans l’article, avec son catalogue de 76 000 titres, dont Sébastian nous dit qu’il contient nombre de PDF et de livres en anglais.

Agrégateurs, distributeurs ou revendeurs sont les seuls à pouvoir indiquer des chiffres précis, et c’est ce que fait Ronnie Vuine de Txtr dans la conversation sur Google+ qui a suivi l’article, indiquant qu’ils recensaient, de leur côté, 17 121 EPUBS en allemand…

17 121 versus 2,4 millions… il est parfois utile de creuser un peu les chiffres, y compris ceux indiqués par Kobo, une société innovante qui met souvent l’accent sur son côté « data driven » dans ses présentations – parmi les meilleures qu’il m’a été donné de voir.

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faire sortir un lapin de son chapeau

Il n’est pas toujours aisé, lorsque l’on est amené à participer à l’une de ces tables-rondes ou conférences sur le « futur du livre », les « enjeux du numérique pour l’édition » ou le « livre de demain » de faire entendre une parole mesurée, qui permette au public de saisir les mouvements profonds qui traversent aujourd’hui le monde de l’édition et donne une vision claire des enjeux. Le discours le plus simple à tenir est celui dont on sait qu’il sera le mieux entendu, le plus en phase avec le discours ambiant. Le plus simple, le plus efficace, le plus gratifiant, c’est de faire une présentation feu d’artifice, chatoyante, séduisante. Montrer, plutôt qu’expliquer. Séduire, plutôt que convaincre. Faire sortir le lapin du chapeau.

C’est pourquoi j’étais si réconfortée de découvrir ce matin l’article de Chad Post dans Publishing Perspectives. J’y ai retrouvé, comme en écho, certaines des idées que j’ai cherché à faire passer lors des deux événements auxquels j’ai participé la semaine dernière, l’un à Montpellier, l’autre à Milan.

Les éditions Open Letter Books viennent de sortir leurs premiers titres en version numérique. Open Letter Books est une petite maison d’édition, de celles que les américains nomment avec beaucoup de netteté « non profit », qui publie exclusivement de la littérature étrangère, à raison de quelques titres par an. Au moment de fixer un prix pour leurs livres numériques, ils ont fait un choix que Chad explique dans son article, d’un prix de 4,99$, considéré comme un prix à mi-chemin entre les innombrables titres auto-édités ou soldés à 0,99$ et ceux maintenus au dessus de la barre des 10$ par les éditeurs ayant imposé à Amazon le contrat d’agence.

Ce petit passage est celui qui m’a donné envie d’écrire ce billet :

« Deux dimensions des ebooks me préoccupent de manière récurrente : a) la manière dont notre cerveau traite les textes lus sur écran, et b) le fait que les livres numériques nous font percevoir les livres comme des biens jetables. »

Ces deux préoccupations de Chad, d’une certaine manière, rejoignent les deux axes de réflexion que j’ai cherché à partager à Montpellier et à Milan. D’une part, la question de la lecture, précisément analysée par Alain Giffard qui introduit la notion d’ « espace des lectures industrielles », et qui figure me semble-t-il parmi les questions fondamentales qui nous sont posées aujourd’hui. D’autre part, le statut du livre, considéré comme bien de consommation ou comme bien culturel.

Michael Tamblyn, l’un des responsables de la firme Kobo, a caricaturé avec humour lors de sa présentation à Editech les différences culturelles qu’il observe entre la vision « business-business » des éditeurs américains (il s’agit de signer un contrat pour vendre des fichiers, point) et l’approche fondée sur des relations de confiance des éditeurs européens ( il faut obtenir la confiance de l’éditeur, afin que celui-ci vous confie les Œuvres de ses auteurs).

Chad Post, avec sa position de passeur de la littérature étrangère au pays des Big Six, aborde avec pragmatisme et intelligence la question du numérique, au service de la diffusion des livres qu’il souhaite faire découvrir aux lecteurs américains. Plus traditionnel dans son approche du métier d’éditeur qu’un Richard Nash, il nous détaille son raisonnement économique, sans chercher à se faire passer pour un spécialiste du « pricing », et soulève, comme en passant, bien des problématiques qui n’ont pas fini de nous donner à réfléchir.

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Que vas-tu dire à Editech ?

Oui, Virginie, que vas-tu dire à Editech, cette conférence sur le livre numérique organisée par l’ AIE, (Associazione Italiana Editori) ? Que vas-tu dire à cette table ronde qui porte sur la « vision qu’ont les Européens des grands acteurs mondiaux » ?

Je vais commencer par citer la déclaration de l’un de ces acteurs mondiaux, celui qui aujourd’hui domine le marché du livre numérique aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui vient d’arriver en Allemagne, et dont l’ouverture dans d’autres pays européens va suivre rapidement. Sur le site d’Amazon, on peut lire : « Notre vision pour le Kindle, c’est que tout livre imprimé quel qu’il soit, dans n’importe quelle langue, puisse être accessible en 60 secondes de n’importe quel point du globe. »

Naturellement, un éditeur a un point de vue un peu différent. S’il se réjouit que tous les livres gagnent en accessibilité, ce qu’il veut surtout, c’est que les livres qu’il publie trouvent leurs lecteurs. Et la perspective d’un revendeur mondial, proposant une offre exhaustive, présentée de la même manière en tous les points du globe ne répond pas nécessairement à toutes ses attentes.

L’accessibilité, c’est bien. La largeur de l’offre, c’est indispensable. Et les acteurs globaux, qu’il s’agisse d’Amazon, de Google, ou d’Apple, sont d’énormes carrefours d’audience. Mais qu’adviendra-t-il de moi, premier roman d’un inconnu, une fois que ma version numérique sera stockée sur l’un de leurs serveurs, parmi des centaines de milliers d’autres fichiers ? Quelle chance aurai-je que quelqu’un me trouve sans me chercher, me rencontre en déambulant dans les rayons ? Et si en plus j’ai le culot d’être un peu étrange, et si je sors des sentiers battus, et si pour me lire il faut être curieux, et si mon pitch n’est pas percutant ? Je risque de rester longtemps tapi bien au chaud dans mon datacenter, sans que jamais personne ne daigne me télécharger.

Aux livres, il faut des passeurs. Il faut des parents qui prennent le temps de lire des albums à leurs enfants, des instits qui rendent magique l’heure de l’histoire, des profs qui bouleversent leur classe à grands coups de littérature, des bibliothécaires qui guident, conseillent, encouragent, écoutent, des amis qui prennent le risque de vous prêter ce livre que vous oublierez de leur rendre. Il faut des critiques et de l’espace pour qu’ils écrivent, des émissions de radio et de télévision pour que nous touche, un soir, la voix ou le visage d’un auteur. Aux livres, il faut des libraires qui vous mettent entre les mains ce titre que vous devez, surtout vous, lire absolument.

Il faut aussi des inconnus qui parsèmeront le web de critiques, de commentaires, de conversations. Des auteurs qui osent l’écriture web, des passionnés qui saturent ma timeline de liens vers un texte inattendu, un poème bien aiguisé, le trailer vidéo d’un bon polar. Il faut des amis-sur-Facebook qui ne sont pas tous mes amis, mais annoncent cette lecture en librairie, la sortie de cette revue, le titre de ce livre qui les a tenus éveillés si tard. Il faut des libraires en ligne qui jonglent avec les nuages de tags, les flux RSS, la géo-localisation, des libraires qui ne laissent pas dormir tranquillement les livres sur les serveurs, qui inventent chaque jour de nouveaux moyens de mettre en avant les titres, choisissent des thématiques, concoctent des dossiers, imaginent des événements.

Bien sûr les plateformes globales nous proposeront la magie de leurs algorithmes, la puissance de leur moteur de recherche, la vitesse de leur affichage, la recommandation fonction de l’observation attentive de notre comportement en ligne. Elles nous diront sans trop se tromper ce que nous avons toutes les chances d’apprécier. Mais sauront-elles nous propulser, lecteurs, hors de nos zones de confort, là où l’aventure commence ? Sauront-elles propulser les auteurs qui font bouger les lignes ?

Le pari de bien des éditeurs européens, qui se sont efforcés de développer des infrastructures locales pour la distribution numérique, c’est de rendre possible à tous les libraires qui le souhaitent l’accès à la vente de livres numériques. Permettre à d’autres acteurs que les plus gros de développer leur activité en ligne. Combiner la dimension globale qui autorise l’ubiquité et l’immédiateté, avec la présence locale qui permet l’ancrage, dans les territoires, les villes, partout où vivent des lecteurs.

Bien sûr, je ne dirai sûrement pas ça à Editech. Je ne dis jamais exactement ce que j’ai prévu dans une conférence. Mais vous, au moins, vous saurez.

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Longue vie à Red Lemonade

Richard Nash, ancien dirigeant de Soft Skull Press, vient de lancer Red Lemonade. Qu’est-ce que Red Limonade ? En quoi ce site se différencie-t-il de tant d’autres sites dédiés aux livres ? Est-ce que Richard Nash a véritablement inventé quelque chose ? Il me semble que oui, et je vais essayer d’expliquer pourquoi.

On trouve des livres sur Red Lemonade, les trois premiers livres publiés aux éditions Red Lemonade. L’un, Zazen de Vanessa Veselka sera également publié en France en septembre aux éditions Zanzibar. Ces trois premiers livres donnent le ton à la communauté, car Red Lemonade est avant tout un outil communautaire. D’autres livres suivront, puisés parmi les manuscrits qu’il est possible de consulter sur la plateforme, mais aussi de commenter, d’annoter et de critiquer. Chacun peut charger son manuscrit, ou le charger chapitre par chapitre.

On peut uploader un manuscrit complet, ou des chapitres d’un manuscrit (cette partie est encore en version beta privée). Chacun des membres de la communauté peut ajouter des commentaires, répondre à un commentaire déjà posté. L’idée de Richard Nash est de faire en sorte que le dispositif ainsi créé permette une nouvelle forme d’édition, confiante dans l’intelligence collective, et qui permette de reproduire en ligne ce qui existe bien souvent dans la vie des auteurs : des influences, des conseils, des rencontres intellectuelles, des références partagées, une dynamique créative. On trouve également sur le site des textes issus de revues littéraires qui ont accepté de collaborer au site, des billets qui guident les commentateurs, expliquant comment écrire des contributions constructives. Il est possible de suivre les membres de la communauté que l’on choisit, on accède ainsi à la liste de leurs écrits, qu’il s’agisse de leurs manuscrits ou des textes qu’ils ont commentés.

Pratiquement tous les ingrédients de ce site existent déjà ailleurs, ce sont ceux de ce que l’on décrit lorsque l’on évoque la « lecture sociale » : annotations et commentaires partagés, liens vers les réseaux sociaux. Ce sont ceux que le web 2.0 (comme ça sonne ancien, déjà, cette expression…) a banalisés, avec la possibilité d’uploader un fichier, d’éditer son profil, de modifier un contenu facilement. Ce que je n’avais jamais vu ailleurs, c’est l’agencement de tous ces éléments ensemble et cette notion d’édition contributive, cette confiance faite à l’intelligence et au talent, et la possibilité que ce travail collectif autour du travail initial d’auteurs bien identifiés, auquel chaque texte est rattaché, débouche sur le publication de livres. Qui décide qu’un manuscrit parmi tous les autres sera publié ? L’éditeur qui héberge et anime la plateforme. Pour Red Lemonade, c’est Richard Nash. Comme l’explique un membre de la communauté dans les FAQ, à tout moment Richard Nash peut « taper sur l’épaule » de l’un des auteurs qui a chargé son texte sur RL, et lui proposer de le publier. Mais l’auteur ne cède aucun droit en chargeant simplement son manuscrit sur la plateforme, et peut parfaitement, s’il en a l’opportunité, signer avec un autre éditeur.

À celui qui lui demande pourquoi les gens iraient acheter un livre qu’ils peuvent lire gratuitement en ligne, Richard Nash répond ceci :

Nous croyons que si un lecteur est si touché par ce que vous écrivez qu’il a passé quinze heures sur le site à le lire, il y a de bonnes chances qu’il souhaitera l’acheter lorsqu’il sortira en version imprimée. En fait, je dirais même qu’il ne se contentera pas de l’acheter, il dira à ses amis de l’acheter, mourra d’envie de vous rencontrer, et fera toutes sortes de choses qui valent bien plus que le prix d’un livre de poche. Souvenez-vous que la principale chose dont vous avez besoin, en tant qu’auteur, ce n’est pas de l’argent du lecteur, mais de son temps, et pas du temps au rabais, mais du sérieux, de la solitude, de l’attention, qu’il laisse votre voix envahir son esprit pendant quinze heures ou plus (…) Tout ce qu’il y a à dire, c’est que nous pensons que de donner accès au texte complet de votre Œuvre sur ce site augmentera votre audience, améliorera vos chances de publication dans d’autres formats, et augmentera le nombre de livres que vous vendrez dans ces formats.

Avant d’ouvrir Red Lemonade, Richard Nash parlait de son projet qu’il nommait Cursor, et je n’arrivais pas bien à faire le lien entre Cursor et Red Lemonade. La lecture du blog de Richard Nash ne me permettant pas d’éclaircir cette question, je lui ai demandé par mail de m’expliquer. En réalité, Cursor est le nom de la plateforme qui a été créée, et Red Lemonade est le premier éditeur à utiliser cette plateforme. L’idée de Richard Nash est de proposer cette plateforme nommée Cursor, pour permettre à des éditeurs ou à des personnes qui désirent monter une maison d’édition, ou à des gens qui animent déjà des communautés en ligne et qui désirent publier des livres, de se doter d’une plateforme semblable, d’en modifier l’aspect, et de se lancer dans un projet utilisant les mêmes fonctionnalités, mais avec leur propre sensibilité, qui attirera à chaque fois des auteurs différents, et des lecteurs / commentateurs / éditeurs différents. Il est donc possible d’obtenir une licence d’utilisation, et d’ouvrir sa propre plateforme, en utilisant la même technologie que Red Lemonade.

Cette initiative est à suivre de près. Elle est beaucoup plus radicale que celle qui consiste pour un éditeur à publier ses livres en version numérique, ou même à publier des livres directement et exclusivement en numérique. Elle inaugure une nouvelle forme d’exercice de la fonction d’éditeur, qui s’appuie sur ce que le numérique change dans la relation entre auteur et lecteur, qui associe l’expertise des lecteurs contributeurs au processus de sélection des Œuvres, un changement qui me semble bien plus fondamental que le changement de support de lecture qui occupe tant les esprits aujourd’hui.

En complément à ce billet, j’ai traduit un texte dans lequel Richard Nash explique les idées qui ont inspiré son projet.

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Richard Nash : lancement de Red Lemonade

Voici le texte que Richard Nash a publié au moment du lancement du site Red Lemonade

Version originale en anglais.

Vingt sept mois après mon départ de Soft Skull, mon petit dernier vient de venir au monde : Red Lemonade a poussé son premier cri lundi matin.
C’est le premier des 50 000 maisons d’édition que Cursor va équiper dans les années qui viennent.
Voyez-vous, lorsque j’ai quitté Soft Skull les gens me disaient : « Est-ce que tu vas lancer un nouveau Soft Skull? ». Et je répondais : « Non, le monde a déjà Soft Skull, il n’a pas besoin d’en avoir un second. En fait, le monde n’a pas besoin d’une maison d’édition indépendante de plus. Il a besoin de 50 000 maisons d’édition supplémentaires. »
Alors, maintenant que Red Lemonade est ouvert à tous les utilisateurs, ce qui est essentiel c’est que les éditeurs indépendants, ou bien ceux qui veulent lancer une nouvelle maison, ou ceux qui animent une communauté sur le web et aimeraient que cette communauté puisse publier des livres, s’adressent à moi, parce que Cursor est fait pour vous.
Mais Red Lemonade est une communauté, dont je suis membre moi-même, et j’ai bien sûr un faible pour elle. Alors voici mes premiers vŒux à la communauté de Red Lemonade.

Le monde de l’édition est confronté à la triste réputation qui lui a été faite d’être réactionnaire et luddite, et ses habitants connus surtout pour être réticents envers la technologie et ses innovations. C’est vraiment injuste, car l’édition est en réalité au centre de deux révolutions sociales majeures qui ont considérablement modifié son statu quo ante.

La première, l’imprimerie, nous le savons et le comprenons tous dans une certaine mesure, mais permettez-moi de rappeler à toutes les parties concernées, en saluant Clay Shirky, que l’invention de l’imprimerie a bouleversé l’ordre établi, religieux et politique d’une manière que ni la radio, ni la télévision n’ont jamais pu reproduire, ces médias ayant été rapidement cooptés à des fins de propagande par les les pouvoirs économique et politique, ceux d’hier et d’aujourd’hui.

La seconde, on en parle rarement, c’est celle du commerce : les libraires ont été les premiers commerçants à faire passer les produits qu’ils vendaient de l’autre côté du comptoir, à les présenter sur des étagères accessibles aux clients, afin que ceux-ci aient la possibilité de les voir, de les toucher, d’en prendre connaissance. L’approche « centrée sur le consommateur » s’est inventée dans les librairies.

Ainsi, l’apparent radicalisme du projet Cursor, qui s’incarne ici dans Red Lemonade, ne s’oppose pas à l’esprit historique du monde de l’édition, mais entre en résonance avec. S’opposer à la technologie est aux antipodes du commerce des livres, parce que qu’est-ce qu’un livre sinon de la technologie, une technologie qui a été lissée ert comme poncée par son contact répété avec la société humaine et est ainsi la technologie la plus confortable que nous possédions, aussi évidente que les vêtements créés par les métiers à tisser.
Si j’évoque les métiers à tisser c’est pour une raison bien précise, c’est parce que c’est la Révolution Industrielle qui a produit la grande rupture qui afflige aujourd’hui le monde de l’édition, l’abandon d’un mode de production / consommation artisanal, au profit d’un mode industriel, qui a rendu l’acte hautement social de la lecture / écriture accessible à presque tous, en tout cas à ceux qui étaient alphabétisés (une exception significative, bien sûr), puis l’a déchiré et séparé. Auteurs séparés des lecteurs, auteurs séparés des autres auteurs, lecteurs séparés des autres lecteurs. Atomisés. Et cela a créé un système d’autant plus profitable, en raison de l’implacable logique des économies d’échelle, que les auteurs existaient en moins grand nombre, d’autant plus profitable que les différentes phases de production et de distribution pouvaient être réparties entre des entités et des individus spécialisés, aucun ne comprenant ce que faisaient les autres, un modèle de production Fordiste combiné avec un modèle de gestion Sloaniste.

Nous avons tendance à parler du modèle de l’édition de ces cent dernières années comme s’il était un modèle parfait, mais regardez les maisons d’éditions indépendantes qui se sont montées ces vingt dernières années, publiant des gagnants du National Book Award, des gagnants du Pulitzer, des prix Nobel. Que serait-il arrivé à ces livres auparavant ? Ils n’auraient jamais été publiés ! Ils. N’étaient. Pas. Publiés. Bien sûr certains l’étaient, mais beaucoup ? Nous ne saurons jamais combien de magnifiques Œuvres de culture n’auront jamais été publiées par ces hommes en costume de tweed qui ont tenu les rênes de l’édition au siècle passé, et ce n’est pas parce qu’ils ont publié certains bons livres qu’ils n’ en ont pas ignoré beaucoup plus d’excellents.

Ainsi nous allons restaurer, pensons nous, l’équilibre naturel de choses, l’écosystème de l’écriture et de la lecture. Les auteurs lisent. Les lecteurs écrivent. Les pages « à propos de » et FAQ décrivent et élaborent comment nous allons faire cela – les livres parlent d’eux-mêmes, comme ils ont toujours fait. Vous aurez des questions auxquels ces pages ne répondront pas, alors contactez-nous. Nous ne prétendons pas posséder toutes les réponses mais nous allons organiser et faire face à d’importantes questions ; Comment allons nous nous servir de notre intelligence collective pour prendre de meilleures décisions d’éditeur ? Comment pouvons-nous assurer l’encadrement et des conseils tout en évitant le copinage? Comment pouvons-nous exploiter la puissance de l’éditeur de talent? Comment peut-on débloquer plus de la haute valeur que les livres créent dans notre société, de sorte que nous puissions tous lire et écrire mieux?

C’est vous qui avez les réponses, pas moi. Le site possède quantité de mécanismes de feedback, vous pouvez les utiliser pour commenter, vous pouvez commenter cet article, commenter un manuscrit, vous pouvez initier une conversation, répondre aux commentaires, vous pouvez voir à quoi nous ressemblons, écouter comment nous sonnons, vous pouvez trouver nos noms et nos adresses email, nous écouterons, nous répondrons, qu’il s’agisse de questions techniques, administratives ou culturelles et ensemble nous allons replacer les livres au point le plus haut, et à nouveau transformer les relations sociales, et à nouveau lancer des révolutions.

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L’heure du crime

L’éditeur Macmillan vient de mettre en ligne un nouveau site, intitulé  » criminalelement.com« , destiné aux amateurs de romans policiers. Le site publie des extraits de livres, des nouvelles originales, des critiques écrites pas une équipe de blogueurs, organise des concours. Le but, attirer des lecteurs, proposer un lieu qui sache fédérer une communauté de lecteurs, permettre de trouver de nouveaux auteurs, augmente la visibilité des titres qui paraissent, enrichir la base de contacts.

Macmillan avait déjà ouvert deux autres sites destinés à des « niches » : Tor.com et HeroesandHeartbreakers.com, respectivement dédiés aux amateurs d’heroïc fantasye et de livres sentimentaux (« romance »).

Sur ces sites, on ne parle pas seulement des livres publiés chez Macmillan. Pour accéder à la lecture complète des nouvelles, il est nécessaire de s’inscrire – c’est gratuit – en fournissant quelques données personnelles (zipcode, tranche d’âge, et un choix de cases à cocher précisant ses genres préférés).

Le site criminalelement.com est bien fait, truffé de boutons permettant de publier facilement les liens vers les contenus sur toutes sortes de réseaux sociaux. Voilà un exemple d’éditeur qui se donne réellement les moyens de mettre en pratique tout ce qui se dit et se répète dans les conférences : « le lecteur est au centre », « animez des communautés de lecteurs », « on ne peut pas utiliser les réseaux sociaux sans contribuer, donner du contenu, offrir des services ». Un compte Twitter, une page Facebook ne suffisent pas.

Bien sûr, Macmillan va promouvoir aussi des livres publiés par ses concurrents. Mais ce que ses concurrents n’auront pas, ce sont les précieuses adresses mail d’un public ciblé, passionné, qu’il pourra informer en priorité des livres (et cette fois seulement des siens) susceptibles de l’intéresser. Ce que ses concurrents n’auront pas, c’est ce contact direct avec les lecteurs. Et aujourd’hui, on sait que la question n’est plus pour les lecteurs de trouver des livres, mais bien celle de trouver des lecteurs pour les livres.

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