ça ne se fait pas…

ça ne se fait pas tellement de parler d’argent en pleine période de Noël, mais bon, ça y est, c’est fait, le sapin va bientôt perdre ses aiguilles, et j’ai trouvé dans mon agrégateur, sur le blog du cabinet Market Partners International, Publishing Trends, un aperçu intéressant des résultats d’une enquête menée par MPI en collaboration avec The Idea Logical Company, la société de consulting animée par Mike Shatzkin, auprès de 135 agents américains.

Rappelons deux éléments importants pour la compréhension des chiffres et de certaines déclarations de ces agents :

1) Aux Etats-Unis, les pourcentages de droits d’auteurs ne peuvent, comme c’est le cas en France, être calculés sur le prix de vente au public, puisque en l’absence de loi ou d’accord sur le prix unique du livre, celui-ci varie d’un libraire à l’autre. L’assiette de calcul est dont le « net receipt », soit le « revenu net éditeur », c’est à dire un montant inférieur, ( ce qui revient à l’éditeur une fois déduites les remises accordées aux distributeurs et aux revendeurs.) Ainsi les 25% dont il est question, comme montant courant pour les droits, correspondent environ à 12%, si on calcule sur le prix de vente au public.

2) Le modèle d’agence concerne le contrat qui lie l’éditeur au revendeur. Dans un modèle d’agence, le revendeur agit en son nom mais pour le compte de l’éditeur, et le prix de vente du livre est fixé par l’éditeur. Dans un modèle « revendeur », l’éditeur indique un prix de référence, mais le revendeur peut fixer lui-même le prix de vente au public, et pratiquer le rabais de son choix. Aux Etats-Unis, le modèle d’agence a été imposé en février dernier à Amazon par 5 des 6 plus grands éditeurs, Apple ayant accepté ce modèle de contrat peu avant le lancement de l’iPad.

Rappelons aussi qu’il est là bas quasiment impossible d’être édité sans passer par un agent, ce qui n’est pas (encore) le cas en France, où cette pratique demeure minoritaire.

Publishing Trends fournit les résultats suivants :

« – 50% des agents considèrent que «l’impact global des livres numériques et des royalties qui y sont associées» améliorent les revenus de leurs auteurs sur les contrats de leurs livres déjà publiés (fonds). 25% pensent que les livres numériques favorisent les revenus sur les nouveaux contrats.

– un tiers n’a pas de préférence entre les deux modèles, «agence» ou «revendeur», alors que 27% préfèrent le modèle d’agence, et 17% préfèrent le modèle «revendeur».

– Les deux tiers considèrent que si les droits numériques ne sont pas spécifiquement accordés à l’éditeur dans le contrat, ils sont réservés par l’auteur pour l’exploitation, indépendamment de toute clause de non-concurrence.

– La majorité considère que 50% ou plus est le «juste» taux pour les royalties, et plus de 80% croient que le taux de 25% – la taux standatd actuellement pratiqué (25% sur le revenu net éditeur, qui correspond environ à 12% sur le prix public), va connaître une augmentation dans les trois ans qui viennent, 25% pensant qu’il s’agira d’une forte hausse.

– Plus d’un tiers déclarent qu’ils ont négocié des taux de royalties supéreiur à 25%, incluant des paliers et des bonus, sur les nouveaux contrats de leurs auteurs avec des gros éditeurs.

– Prés de la moitié disent qu’une «backlist» non encore publiée au format numérique aide à obtenir un meilleur deal sur les nouveaux contrats. Un groupe plus restreint a négocié des taux supérieurs à 25% sur les nouveaux contrats.

– La moitié des agents s’attendent à ce que les grands groupes d’édition cherchent à acquérir les droits numériques mondiaux dans les trois prochaines années.

– près de 90% des agents qui ont répondu disent que leurs auteurs ont manifesté de l’intérêt pour l’auto-édition, au fur et à mesure que les ventes de livres numériques progressent.

– Un tiers sont tentés par l’idée de mettre en place leur propre programme de publication électronique, alors que 25% pensent que c’est une très mauvaise idée.

– Et heureusement pour tous, plus de 75% des agents interrogés croient que la meilleure situation est lorsque l’éditeur des versions imprimés et des versions numériques des livres de leurs auteurs est un seul et même éditeur, si les auteurs perçoivent une juste rémunération. »

Ici en France, alors que les ventes de livres numériques commencent à frémir, les droits numériques et les conditions de leur exploitation sont aussi l’occasion de débats et de questionnements, et il n’est pas inintéressant de connaître la position des agents américains sur ces questions, dans un pays où le marché numérique atteint les 10%. En parallèle de cette enquête, Shatzkin s’est entretenu avec des CEOs de plusieurs groupes d’édition US, pour connaître le sentiment des éditeurs. Il réserve le résultat de ces entretiens pour la conférence Digital Book World en janvier, mais en a tiré un article sur un sujet connexe, également abordé par ces chefs d’entreprise lors de ces rencontres, que je vous invite à consulter :  » A modest proposal for book marketing« .

Comme j’aurai la chance d’assister à la conférence DGB, je pourrai vous en dire plus fin janvier, sur les résultats de cette étude.

En attendant, replongeons dans le monde des cadeaux, des vŒux, des chocolats et des bisous sous le gui… je vous souhaite à tous de bonnes fêtes..

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filez vite sur La Feuille…

… lire le billet d’Hubert Guillaud sur l’édition numérique vue de l’autre côté de la Méditerrannée.

Nous étions quelques uns, conviés par l’association Diversités, à participer à une rencontre avec des éditeurs du Maghreb, et Hubert restitue parfaitement l’essentiel de ce que ces échanges nous ont permis de découvrir de de comprendre. Extrait :

« Il est intéressant de constater que les questions que nous adressent les éditeurs du Sud sont les mêmes que celles que se posent les éditeurs du Nord. Quels contenus vont-ils pouvoir proposer ? Vont-ils pouvoir faire exister les leurs dans une culture toujours plus Mainstream, comme l’explique le livre éponyme de Frédéric Martel ?

Qui diffuse et qui vend ? La question de la constitution d’une chaîne de diffusion numérique est aussi importante des deux côtés de la méditerranée, chacun comprenant bien que sans elle, rien n’est possible, et que celles que proposent Apple, Amazon ou Google, ne sont peut-être pas des solutions sans conséquences pour la chaîne du livre et la diversité culturelle.

La question de l’accès est bien sûr essentielle. Celle de la démocratisation des supports, celle des possibilités de connexion ou de modes de paiement bien sûr. Mais peut-être plus encore, celle de l’accès à la culture. Au Nord comme au Sud, ces outils s’adressent d’abord à ceux qui lisent, à ceux qui ont le plus de moyens économiques ou culturels. Qui s’adressera aux autres ? »

Tandis que nous apprivoisons le concept d’économie de l’attention, dans notre petit monde où la question pour le livre est celle de sa visibilité au milieu d’une profusion de contenus disponibles, nous oublions que cette profusion n’est pas le cas partout sur la planète, que pour quantités d’individus il est difficile et parfois impossible de se procurer des livres, et que le numérique ne peut être la solution immédiate, la clé magique pour un accès enfin universel à la connaissance, lorsque les infrastructures manquent, lorsque les accès sont rares, instables, et chers.

Hubert restitue de manière très fidèle et exacte les propos de nos interlocuteurs marocains, algériens et tunisiens. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il nous a proposé, lui, une brillante réflexion sur l’avenir du livre, à base d’exemples qui tous interrogent les destins que l’on peut imaginer pour les livres, lorsque ceux-ci s’affranchissent de leur support imprimé. Destin algorithmique, souvent, puisque le texte peut désormais être visité par des robots, puisque les pratiques de feuilletage, de navigation, d’achat, de consultation, de lecture, laissent des traces observables, quantifiables et manipulables. Livres enrichis, illustrés, multimédias, connectés, livres de demain, pour quels lecteurs, du Nord, du Sud, pour quels rêves partagés ?

Se référer au billet d’Hubert pour les liens vers les éditeurs du Maghreb. D’autres éditeurs du sud, du sud de la France, étaient là également, naturellement tournés vers le monde méditerranéen : Fabienne Pavia, des éditions le Bec en l’Air, qui ne rate pas une année la foire du livre d’Alger et nous donne, à la manière dont elle en parle, envie d’y aller ; Marion Mazauric, la « chef  » du Diable Vauvert (chef du Diable, comme il est écrit sur sa carte de visite…), dont la maison d’édition installée en petite Camargue fête cette année ses dix ans, a su témoigner de la vision du numérique qui est celle d’un éditeur indépendant, qui cherche toute occasion de faire connaître son catalogue et de défendre les voix d’aujourd’hui, à travers des expérimentations sans tabous. Plus au nord, engagé au plus concret de la mutation numérique chez Flammarion, Florent Souillot a ouvert ses fichiers, expliqué les processus de production, détaillé le quotidien d’une mutation partagée par de plus en plus d’éditeurs. Xavier Cazin, ( Immatériel) lui aussi, déroule des questions, diffusion et distribution, modèles économiques, rôle des plateformes. Pierre Fremeaux, à travers la présentation du réseau social dédié à la lecture Babelio, dont il est l’un des cofondateurs, nous rappelle la place des lecteurs, leur rôle, la puissance qui est désormais la leur. Denis Lefebvre d’ Actialuna déconstruit pour nous les évidences de la lecture, pour les reconsidérer sous l’angle du numérique, à grand renfort de questions et d’expérimentations.

Saluons Jean-François Michel, instigateur de ses rencontres, artiste de la pollinisation : se parler au delà des métiers, à travers les événements organisés par l’ Atelier Français : livre, presse, cinéma, musique, jeu. Se parler au delà des frontières, d’un bord à l’autre de la Méditerrannée.

Ci-dessous, quelques instants filmés au vol :

Comment, vous êtes encore là ? Allez ouste, filez vite sur La Feuille !

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écrire en direct et en public

L’écrivain canadien Michael C.Milligan écrit un roman, sur Internet, en 3 jours, là, maintenant, tout de suite. Cela se passe sur http://3d1d.1889.ca/.

MCM a passé un mois à se préparer à l’expérience, il a écrit des pages et des pages de notes sur chacun des chapitres. C’est aussi quelqu’un de très familier avec la technologie, il sait programmer.

Il utilise une pléiade d’outils Internet pour mener à bien cette expérience d’écriture en live : Google Docs pour l’écriture, Meebo, qui permet de juxtaposer une fenêtre de chat dans laquelle peuvent échanger les personnes qui suivent l’expérience, mais aussi Twitter et Facebook, WordPress pour bloguer les coulisses de l’expérience, et UStream qui diffuse dans une autre fenêtre les images de l’auteur au travail.

Cette expérience démontre une grande maîtrise dans l’intégration des outils, et illustre de manière puissante la maturité de ces outils web qui inaugurent des usages nouveaux. L’intégration dans un unique écran de ces différents outils, que l’on convoque grâce à des onglets est assez impressionnante. La fenêtre principale permet d’afficher au choix la page d’accueil qui présente le projet, une page Google Docs pour suivre l’écriture en direct, le texte du tome précédent dont on peut afficher chacun des chapitres affiché dans une liste à gauche, le blog qui commente l’expérience.

A droite, la fenêtre se divise en deux. En haut peut s’afficher la vidéo live de l’auteur en train d’écrire. En bas, on choisit grâce à des onglets d’afficher la fenêtre de chat (meebo), le fil twitter, la page facebook, un espace « merchandising » (Zazzle) permettant d’acheter des T-shirts #3D1D portant certaines phrases, ou personnalisés avec une inscription que l’on peut choisir.

L’auteur questionne ceux qui suivent l’expérience, leur demande leur avis sur l’évolution de l’intrigue ou bien sur des détails (suggestion pour le nom d’une marque de cigarette en 2038, le nom d’un personnage égyptien, la couleur d’un véhicule, le choix d’une arme…). En consultant le tag #3D1D sur twitter, j’ai vu qu’à un moment il demande qu’on lui suggère un surnom pour un personnage français. Deux suggestions : « Depardieu » et « Corbusier » …

L’auteur twitte régulièrement aussi des statistiques : tel chapitre est terminé, il comporte tant de mots. Il y a un petit côté marathon, c’est un peu  » on achève bien les chevaux » : parfois MCM indique qu’il va aller dormir quelques heures, 2 ou 3 pas plus, que son cerveau demande grâce.

Je suis très impressionnée par ce dispositif, par cette juxtaposition d’outils, et cette manière de s’en emparer, avec un mélange de simplicité et d’humour.

L’auteur occupe une place centrale : c’est le maître de cérémonie, c’est lui qui se montre, c’est lui qui est au clavier, qui déploie son récit. Il écrit devant autrui, assumant ses hésitations, ses repentirs. Parfois on peut le voir effacer tout un paragraphe, ou simplement le dernier mot écrit.

Les lecteurs, on pourrait presque dire les joueurs, parce qu’il y a une dimension ludique dans tout cela, l’encouragent, commentent ce qu’ils lisent, répondent aux questions que leur pose l’auteur.

Il semble qu’il y ait un premier cercle, parmi ces lecteurs, d’amis qui sont aussi des auteurs, et animent le blog de commentaires, effectuent des tris parmi les suggestions proposées par les lecteurs.

On souhaiterait que le « framework » soit disponible à qui souhaite l’utiliser à son tour, et ce pourrait être dans des contextes très variés. Utilisé par d’autres auteurs tentés par l’expérience, sans qu’elle prenne nécessairement la forme d’un marathon (même si le « live » nécessite un rendez-vous, un temps fixé pour que chacun se connecte en étant sûr qu’il se passe quelque chose en ligne). Je pense aussi à des expériences en classe, ou lors d’ateliers d’écriture.

Et vous, que vous inspire ce dispositif ?

(signalé par mail par Eli James, du blog Novelr, centré sur la « Web Fiction »)

@liminaire indique sur twitter que cette expérience lui fait penser à celle de Nicolas Ancion, décrite ici, à la fin du billet.

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Pour faire un livre augmenté

Prenez un livre. Séparez soigneusement le texte du papier, en prenant garde de ne pas laisser échapper les notes en bas de page. Mettez de côté l’image et la quatrième de de couverture. Faites revenir le texte à feu très doux, utilisez de préférence une poêle à revêtement XML. Dans un grand fait-tout, mélangez une interview vidéo de l’auteur, la liste de ses ouvrages, un quizz interactif, un bouquet de sons d’ambiance, une poignée de liens hypertexte, et battez jusqu’à obtention d’une pâte lisse. Disposez alternativement dans un plat allant au four une couche de texte, une couche de la pâte ainsi obtenue, et saupoudrez de métadonnées. Faites cuire 15 minutes et servez chaud, accompagné d’une salade de tweets.

Quand j’entends parler de livres augmentés, je pense à ce poème de Guilevic, « la vie augmente » :

« Quand on nous dit :
La vie augmente, ce n’est pas
Que le corps des femmes
Devient plus vaste, que les arbres
Se sont mis à monter
Par-dessus les nuages,
Que l’on peut voyager
Dans la moindre des fleurs,
Que les amants
Peuvent des jours entiers rester à s’épouser.
Mais, c’est, tout simplement,
Qu’il devient difficile
De vivre simplement. »

Et si on « augmente » le livre, il se peut que, tout simplement, il devienne difficile de lire simplement. De ne faire que lire.

Inventons des choses nouvelles : que mille talents puissent s’exprimer de mille manières, autour ou à partir des textes, en faisant jouer le texte et les images, le texte et le son, en proposant des parcours, en offrant des possibilités de mixer lecture et écriture.

Mais sachons aussi parfois laisser le texte tranquille, faire en sorte simplement qu’il s’affiche au mieux de la beauté de ses caractères sur nos écrans comme sur la page. Et laissons le champ libre à l’imagination du lecteur.

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Le lecteur, ce papillon insaisissable

Dans le très intéressant livre (numérique ? numérisé ?) d’Alain Pierrot et Jean Sarzana, « Impressions numériques », paru cette semaine chez publie.net, on trouve, entre quantité de réflexions pertinentes sur l’édition numérique, un chapitre sur la lecture dont voici un extrait :

« Jusqu’à présent, le lecteur, ce papillon insaisissable, s’est échappé souvent du filet des chasseurs, il a su garder son mystère. Dans l’univers numérique, le voilà devenu un référent absolu, invasif et incontournable, qu’il s’agisse de son recours croissant aux tablettes de lecture pour les Œuvres numérisées, ou de sa contribution escomptée aux Œuvres numériques ouvertes. Aux Etats-Unis, où ils sont très développés, les réseaux sociaux de lecteurs contribuent déjà à façonner une nouvelle économie du livre, autant que les maisons d’édition elles-mêmes. En position centrale, adulé et prioritaire, le lecteur de l’âge numérique va se voir toujours davantage attendu, observé, palpé de toutes parts: Que lit-il? Pourquoi le lit-il? Qu’aimerait-il lire? Que pourrait-il bien avoir envie d’aimer lire? Les librairies en ligne et les nouveaux systèmes de lecture assistée donnent beaucoup à craindre pour la liberté du lecteur. Sans qu’il en soit toujours conscient, il va dorénavant alimenter des statistiques de plus en plus fines contribuant à fixer son profil. Nous courons tous le risque de nous voir bientôt littérairement tracés. Et comment l’agrégateur, ou l’éditeur lui-même, résistera-t-il à la tentation de calibrer ses bouquets éditoriaux en fonction de ses lecteurs-types? La formule de l’abonnement, dont le champ sera forcément limité aux textes disponibles, aura le temps de formater les lectures, donc les lecteurs, avant que l’on retrouve l’infini des ouvrages sous une forme numérique interopérable. Peut-être est-ce là une vision un peu trop orwellienne de l’avenir. Peut-être aussi nous va-t-il falloir apprendre à déjouer les automatismes numériques, à échapper aux filatures, bref à ruser avec le réseau. »

Comme en écho, sur le même thème, ce billet d’Hubert Guillaud : « pour rester maître de nos lectures il va falloir le demander », qui commence ainsi :

« Apple, Google et Amazon – ainsi que la Fnac bientôt avec son fnacbook, Chapitre.com et le sien… – savent très bien ce que vous lisez. Ils savent qui vous êtes : nom, prénom, adresse, numéro de carte bancaire, site web, parfois ils savent même si vous êtes auteur, lecteur, ou éditeur. Ils connaissent tous les livres que vous consultez en ligne ou achetez dans leurs boutiques (pas dans celles des autres), ceux que vous avez envie d’acheter et ceux que vous recommandez à vos proches. Ils connaissent le nom des fichiers contenus dans vos machines. Il savent quand vous achetez un titre. Comment vous l’achetez. Où vous en êtes dans votre lecture. Ils connaissent les passages que vous avez annotés. Ils peuvent en déduire le temps que vous avez mis à lire un livre. Les moments où vous l’avez lu. »

Visiblement, le temps du numérique est favorable aux chasseurs de papillons. Redevenir chenille ? Lire en cachette, comme faisaient autrefois les enfants à la lueur d’une lampe de poche sous les couvertures ? Ou laisser, consciemment, des traces signifiantes de nos lectures sur le web ? Faudrait-il, à cause des chasseurs, se priver de ce cabinet de lecture virtuel et partagé ?

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Changing the Way We Work – Incorporating Digital Throughout the Publisher’s Internal Ecosystem (2/2)

My talk at Tools of Change for Publishing in Frankfurt, october 5th 2010 – Part two (access part one)

If the editor is not properly informed about the digital question, if his vision is distant or blurred, if he is not comfortable with what it involves, how can he come with the appropriate arguments when negotiating digital rights with authors?

Of course, contracts today all have a clause that relates to digital rights. But this is not the case of older contracts. And to be able to build a digital offer, it is imperative to obtain digital rights. To be able to convince authors to transfer these rights, the publisher must at least be able to convince them that he will be the best to exploit them.

And if, in our companies, digital is the case of a small group of experts dealing with digital stuff in the Digital Kitchen while editors continue to « make books », how will editors introduce these issues to authors?

What credibility will they have? How will they be able to answer their authors’ questions?

The shift to digital for books essentially relates to a change in the materiality of the book, and therefore it deeply affects the area that is the most linked to materiality: design. Since the invention of printing, books designers have accumulated a rich know-how that is directly related to the support. Designers perfectly know what a page is. Their language is full of marvelous jargon. The relationship between the white and the text, the difference between letters, between words, the size of the margin, the way words intersect at the end of a line… A lot of words to describe, a perfect control of the result.

And now comes digital text. Capricious as a torrent. Digital text doesn’t care about pages. Liquid, it adapts to context. Mastering digital text is an art that is more akin to rafting than to swimming in a swimming pool…

In the print world, eye and hand are enough to resolve every detail of layout, even if the software executes the command.

In the digital world, the code is interposed between eye and hand.

Code of the terminal operating system, code that displays the engine used, code to format and structure the text. And most designers in the publishing world don’t like code. But to design ebooks, they will have to learn to like it.

This presentation could be very simple if, to succeed in making a publishing company go from the 20th to the 21st century, it was enough to analyze what specific changes are expected for each of our traditional tasks, and to manage change in all these areas. But things are not so simple. Because it is not enough that each business makes its small change in its corner, adopting some procedural changes, some new habits.

This is why support in these changes does not only consist in a simple training, sector by sector, to get used to new processes or tools. Of course, it is necessary to acquire new skills. But it is equally necessary to acquire new knowledge, and to become very familiar with « web culture ». Maybe are you thinking that web culture disseminates itself very well and naturally. It’s true for some people, but far from true for a lot of others.

Publishing companies are not populated by digital natives and digerati. If most of people are now quite familiar with the web, most of them use it only in a limited way, and aren’t aware of its power.

This is why we are dedicating time to introduce this culture into company’s teams. Because your understanding of digital is better when you understand what a RSS feed is, and how to use it.
Because something as simple as googling a title to know what the web is saying about your book is not the first reflex among PR people, who are used to focus on traditional media.

This is why we organize events, workshops and meetings. For example, this year, “Spring of Digital”, was designed to disseminate our digital vision and strategy: 11 conferences, 16 speakers, 300 participants. Our goal: to spread shared knowledge among all employees around issues related to digital. And we will keep organizing such actions to inform and explain, encourage dialogue, welcome everyone’s questions and objections.

Two years ago, we also created a “marketing studio working group” where we invite marketing people from different imprints of our group. Why? To share ideas about the best way to increase the presence of Editis’ tool, our ‘browse inside books’ widget, on websites, blogs and other social medias, and most widely to talk about new practices in webmarketing.

The idea of sharing ideas between competitor imprints first encountered some resistance. But after some people decided to start sharing, things changed, and now everyone understands that it is a win-win game, and that these meetings are a good place for exchanges, a breach in the culture of secrecy, and a step towards the idea that you enrich yourself each time you contribute.

Technological advances and changes in readers’ practices have a significant impact on the fate of all books, even on the printed ones.

Everyone in a publishing house is mentally putting his work into a chain, and each link of this chain is clearly identified. The « book chain » is a timeline that runs from the author to the reader, with well-defined steps. The digital and the web superimposed a new structure, a nonlinear network on this chain that shapes the publishing process of printed books. New players and new connections between all actors are emerging.

If only all the actors in this new configuration were human beings, it would be possible to agree with them on new ways of working. But today, some“actors” are automated: they are algorithms, softwares. We don’t only have to speak to new partners. Now, our data have to speak to softwares…

Whether it is printed, digital or enhanced books, the challenge is the same: to keep afloat in the ocean of the web, to attract and retain the attention of potential readers who are in permanent contact with an infinity of other products, information, entertainment, games, movies, activities that can be found on the web.

It is often said that the web blew the barriers to the dissemination of all goods that can be digitized, thus eliminating the difficulty associated with the delivery of physical products. And it is true. However, a new barrier just appeared: the difficulty to guarantee the visibility of books, physical or digital, on the web.

The best way to limit this barrier is to provide the highest quality care in the metadata of our books. It is the «sine qua non» of visibility. The importance of metadata is not sufficiently understood yet in publishing houses.
What makes the quality of metadata is both their richness and how they are presented. What is needed is to present data to make them likely to be routed to any destination where they will have the visibility that every book needs.

To reach this goal, metadata must be structured in a standardized manner. It is because it is full of protocols and standards that the web can exist as an open environment. And the new ecosystem of books has to grow inside this open environment that requires standards. Minimum bibliographic information describing a book: title, author, publication date, ISBN ARE Metadata. But metadata can be infinitely richer. If you want to broaden your vision on metadata, see the documentation that accompanies the ONIX format. It is possible to gather a great deal of information about a book, which goes well beyond the minimum information that comes to mind when one mentions metadata. If your metadata is inadequate, if they do not meet current standards, you can publish the best book in the world, nobody will know: it will remain invisible on the web.

The way people find information, share their tastes or become aware of a book has changed. But traditional channels used by marketing teams and press officers should not be abandoned. These teams are still struggling to get a review in a newspaper or to their author on a TV program. Advertisement continues in traditional media.

But now, other means that require new skills are adding to these traditional means of promotion. Traditional media are no longer the only ones that can mobilize public attention. The web now enables everyone to easily publish information. The era of « one to many » is not over, but that of « many to many » has begun. It started with blogs, it continues with social networks like Facebook and Twitter, to name the best known. Countless conversations are popping on the web every second, and an Internet connection is enough to take part in them.
However, in order to develop a strategy for an appropriate use of social networks, it is not enough to hire a community manager, which already presents some difficulties, as the job is so new that no community manager can pretend to have a long experience and show references.

The best community managers do not come out of specialized schools. Their school is the web. The best ones have been into web communities for a long time.

They are blogging since the early 2000s. They discovered Facebook before your children. They tried Twitter without knowing what Twitter was exactly about.

They learned the social codes, the simplicity of tone, the respectful familiarity, how to talk about themselves without compromising their privacy, they know how to create the perfect mix between serious stuff and jokes without consequences. They learned that to be heard you have to listen, that we must give to receive, that if you want to be followed you have to follow, and if you want people to be interested in you, you have to be sincerely interested in people.

What a publisher can dream of is that one of his authors recognize himself in this description of the ideal community manager. In this case, the author will be able to maintain his own community of readers, and he will probably go further: create connections with other authors, develop an online activity in parallel to what is related to the publication of his book.
What a publisher can also fear, is that such an author might choose, if his publisher is unable to offer him something more than what he can do himself, to do without him, and to turn to others to distribute and sell his next book.

The challenge today is to be able to get in tune with the online presence that some authors have developed on their own, by providing services that will save them time and give them visibility, while simultaneously setting community management practices in the service of authors who do not care about what happens on the web, or do not want to spend time there.

Many questions remain: where to build communities – around an author, a collection, a brand? What granularity do we have to adopt? Should we finely segment the audiences of our publications, and identify related communities? How many communities can you maintain or be a part of at the same time? How many simultaneous conversations? Each publisher, according to the kind of book he publishes, and according to what he knows about his readers, will choose his own strategy. But the rule remains, whatever the nature of the community that we want to maintain: give, commit, engage, be sincere, and above all drop the formatted language of traditional marketing.

There is a risk: if the publisher does not care about his online existence, if he is not part of the conversation, he excludes himself, turns his back on his future and takes the risk that the authors turn their back on him, soon after.

To change the ways we work, we also have to be sure of what, in our work, has to be preserved. To be innovative doesn’t mean we have to give up on the value and beauty of our business.

Our curiosity, our attention, our sensitivity, which are what put us on the trail of the best authors.
Our ability to recognize valuable content and to make choices.
Our expertise in accompanying authors to the best of their art and set their manuscript to its final form.
Our ability to build collections, to assemble works in meaningful families.
Our ability to care about the quality of text presentation.
Our obsession to allow the encounter between works we have chosen and loved, and the highest number of readers.

We have been « gatekeepers » for a very long time: without us, it was virtually impossible for an author to reach his audience. That time has passed, with the advent of the web.

If we don’t want to give reason to those who call us dinosaurs, we must dive into this digital universe and learn its intricacies and mysteries, we must be able to transfer there the best of our know-how.

We have to make the high complexity of this new world simple for our authors and readers. This is adding value. We have to learn to identify new forms of mediation, new instances of validation, to understand and respect them, and to work with them. This is adding value. But we will not do this alone: it is essential to work in partnership with actors who have complementary skills to ours, particularly in the technology field.

To successfully change, nothing forces us to stop being ourselves: our only chance to continue to be active and visible in the cultural and technology world that is emerging, is to remain ourselves, to open our minds, to accept to change, and to be ready for collaborations, exchanges and partnerships that will make us able to enrich our experience and our offers.

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Comment parler des conférences auxquelles vous n’avez pas assisté

Vendredi dernier se tenait à San Francisco une conférence à laquelle je n’ai malheureusement pas assisté. J’aurais vraiment bien voulu y être… Son nom : « Books in Browsers », ( « des livres dans les navigateurs web »). Organisée par Internet Archive, bibliothèque en ligne offrant l’accès à des livres, mais également des photos, des sons, des images animées, cette conférence a rassemblé environ 130 éditeurs, bibliothécaires, libraires, développeurs.

Comment parler d’une conférence à laquelle je n’ai pas assisté ?

– En consultant les archives twitter de la conférence (j’avais déjà suivi le hashtag #bib10 vendredi soir en direct depuis mon canapé…).

– En visionnant les vidéos et slides de certaines présentations dont une première liste est disponible ici.

– En me connectant sur le site créé par Bob Stein pour expliquer sa vision de la lecture collaborative, un site évidemment lui-même collaboratif. J’ai déjà évoqué plusieurs fois Bob Stein, à l’occasion d’une rencontre à New York, ou pour présenter des expériences menées par l’Institute for the Future of The Book qu’il dirige.

– En invitant Hadrien Gardeur à déjeuner pour qu’il me raconte, parce que lui, il y était, pour présenter, comme il l’a fait à l’occasion du Bookcamp de Paris et du TOC à Francfort, le standard OPDS et sa vision des bibliothèques connectées.

– En traduisant, si je trouve le temps, cet article de Brian O’Leary, qui me paraît vraiment intéressant, sur lequel il a basé son intervention à Books in Browsers. En attendant, juste un tout petit extrait :

Quand la rareté du contenu était la norme, nous pouvions supporter qu’il y ait peu de contexte. Dans un marché limité, la compétence des éditeurs s’exerçait à travers leur capacité à décider de « ce qui allait être publié ». Aujourd’hui, dans une ère d’abondance, les éditeurs héritent d’un nouveau rôle : trouver comment « ce qui est publié » va pouvoir être découvert.

Et cet autre :

Je pense que le passage d’un état d’esprit orienté «produit» à une vision orientée «service» ou «solutions», signifie au moins quatre choses pour les éditeurs:

• Notre contenu doit devenir ouvert, accessible et interopérable. Le respect des normes et standards ne sera en aucun cas optionnel;
• Parce que nous sommes en concurrence sur le contexte, nous devons nous concentrer plus clairement sur son utilisation pour favoriser la découverte;
• Parce que nous sommes en concurrence avec les entreprises qui utilisent déjà des outils à faible coût ou sans investissement, essayer de rivaliser sur le coût des contenus est une proposition perdante. Nous avons besoin de développer des occasions d’encourager une utilisation plus large de nos contenus
• Nous nous distinguerons si nous pouvons fournir aux lecteurs des outils qui se basent sur le contexte pour les aider à gérer l’abondance de contenus.

C’est assez facile, finalement, de parler des conférences auxquelles on n’a pas assisté, non ?

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Changer nos manières de travailler – TOC – Francfort 2010 (2/2)

Intervention présentée à l’occasion de la conférence Tools of Change for Publishing à Francfort le 5 octobre 2010. J’ai parlé sur les images que je replace ci-dessous. Les parties indiquées en gras étaient également insérées dans des slides qui venaient s’intercaler entre les images. Version française – Partie 2 – ( voir la partie 1 )

Si l’éditeur n’est pas informé convenablement de l’enjeu que représente aujourd’hui le numérique, s’il en a une vision lointaine ou floue, s’il n’est pas à l’aise avec ce sujet, comment pourra-t-il être en mesure d’établir avec les auteurs qu’il publie un dialogue constructif à propos du numérique ?

Bien sûr, aujourd’hui, les contrats intègrent tous une clause qui concerne le numérique. Mais ce n’est pas le cas de tous les contrats plus anciens. Et pour être en mesure de construire une offre numérique suffisante, il est impératif d’obtenir la gestion de ces droits. Pour être en mesure de convaincre les auteurs de lui confier ces droits, il faut, à tout le moins, que l’éditeur soit capable de les convaincre qu’il est le le mieux placé pour les exploiter. Et si, dans nos entreprises, le numérique était l’affaire d’un petit groupe d’experts, et que les éditeurs continuaient de «faire des livres» en se réjouissant que d’autres s’occupent de la cuisine numérique, que pourraient-ils dire aux auteurs sur ces questions ? Quelle crédibilité auraient-ils auprès des auteurs sur le numérique ?

La numérisation des livres, cela concerne essentiellement un changement dans leur matérialité, et cela touche donc de plein fouet les métiers qui ont affaire le plus directement à cette matérialité, ceux qui ont en charge la maquette, la mise en page, et pilotent la fabrication.

C’est dans ces métiers que le nombre «d’heures de vol» d’un acteur a le plus d’importance. C’est dans ces métiers que se sont accumulés au fil des siècles, depuis l’invention de l’imprimerie, quantité de savoirs-faire directement liés au support.

La page, ils connaissent. Leur métier a pour en parler quantité de mots spécialisés. La relation entre le blanc et le texte, l’écart entre les lettres, entre les mots, la taille de la marge, la manière dont les mots se coupent en fin de ligne… Chaque détail se règle avec minutie, dans les logiciels de mise en page.

Et voici le texte numérique. Capricieux comme un torrent. Qui se moque de la page. Qui s’adapte au terrain. Dont l’affichage ne peut plus se régler aussi finement, aussi définitivement, dans un logiciel. Apprendre à le maîtriser est un art qui s’apparente plus au rafting qu’à la natation en piscine.

Il est encore fréquent que les maquettistes vivent comme des contraintes insupportables les indications qui leur sont données pour que leur travail soit directement utilisable pour un export XML. Leurs habitudes de travail privilégient le résultat: peu importe ce qui se passe du côté invisible du code. Mais tout manquement à la règle qui veut qu’aujourd’hui on sépare rigoureusement le contenu et la mise en forme se répercute immédiatement sur le fichier XML, sous forme d’erreurs innombrables.

Dans le monde de l’imprimé, l’Œil et la main suffisent, pour régler chaque détail de mise en page, même si le logiciel exécute la commande. Dans le monde numérique, le code vient s’intercaler entre l’Œil et la main. Code du système d’exploitation du terminal, code du moteur d’affichage utilisé, code du logiciel de lecture, code pour la mise en forme du texte. Peu de professionnels de l’industrie du livre aiment le code: mais pour maîtriser la présentation des livres numériques, ils doivent se mettre à l’aimer…

Cette présentation aurait pu être très simple, si, pour réussir à faire passer une entreprise d’édition du XXe au XXIe siècle, il suffisait de faire évoluer chacun des métiers, d’analyser quels changements spécifiques sont attendus concernant chacune des tâches traditionnelles, et d’accompagner le changement à tous ces endroits. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Non, il ne suffit pas que chacun des métiers fasse sa petite mutation dans son coin, adopte quelques changements de procédure, quelques nouvelles habitudes.

C’est pourquoi l’accompagnement dans ces changements ne peut prendre la forme d’une simple formation, métier par métier, à de nouvelles procédures ou de nouveaux outils.

Bien sûr, il est nécessaire d’acquérir de nouveaux savoir-faire. Mais il est tout aussi nécessaire d’acquérir de nouvelles connaissances, et de partager le plus largement possible quelque chose que l’on pourrait nommer, sans trop bien savoir ce que c’est la «culture web».

Pourquoi, me direz-vous, réunir des éditeurs toute une matinée pour leur montrer ce qu’est un fil RSS, comment s’installer un agrégateur, comment s’abonner à des blogs? Cela ne servira pas à tous «directement» dans leur métier. En même temps, quelle façon plus concrète de faire comprendre la puissance de diffusion du web, les possibilités offertes à un document quand on sépare clairement le texte de sa mise en forme?

Pourquoi organiser, comme nous l’avons fait cette année, un événement comme le «printemps du numérique», 11 rencontres, 16 intervenants, 300 participants? Pour que se diffuse parmi l’ensemble des collaborateurs un savoir commun autour des questions liées au numérique, une connaissance des enjeux, des problématiques, des actions menées, des prochaines étapes.

Le changement, cela passe aussi par cela: des actions simples visant à informer et à expliquer, à susciter le dialogue, à accueillir les questions, les objections, les interrogations de chacun.

Pourquoi réunir régulièrement les responsables marketing de différentes entreprises du groupe, qui pour certaines entrent en compétition les unes avec les autres, et leur proposer de partager leurs pratiques en ce qui concerne l’usage qu’ils font de notre widget (un outil de feuilletage en ligne qui peut s’afficher sur n’importe quel site ou blog)? Parce que, passées les premières réticences à l’idée de dévoiler à d’autres des idées qu’ils pourraient bien utiliser eux aussi, l’idée qui finit par prévaloir est que c’est un jeu gagnant / gagnant, et que dans des domaines d’innovation, partager les apprentissages et les idées enrichit tout le monde. Une brèche dans la culture du secret qui est si présente dans de nombreuses entreprises, et un pas vers cette idée que l’on s’enrichit à chaque fois que l’on contribue…

Les avancées technologiques et les changements dans les usages ont un impact considérable sur le destin de tous les livres.

Chacun, au sein d’une maison d’édition, inscrit mentalement son travail dans une chaîne, dont chaque maillon est bien identifié. Ce qu’on appelle la «chaîne du livre», une ligne chronologique qui va de l’auteur au lecteur, avec des étapes bien délimitées. Le numérique et le web superposent à cette chaîne qui continue de structurer l’édition de livres imprimés, une structure nouvelle, non linéaire, en réseau. Des acteurs nouveaux apparaissent, et des connexions nouvelles entre l’ensemble des acteurs.

Si encore tous les acteurs de cette nouvelle configuration étaient des êtres humains, il serait possible de s’entendre avec eux sur de nouvelles façons de travailler. Mais aujourd’hui, certains maillons du réseau sont automatisés: le web et le numérique font intervenir à chaque instant l’algorithme, le logiciel.

Cela concerne aujourd’hui, à cause du développement du e-commerce, non seulement la part numérique de la production, mais également les livres imprimés.

Qu’il s’agisse de livres imprimés, de livres numériques, de livres augmentés, le défi est le même: surnager dans l’océan du web, attirer et retenir l’attention de leurs lecteurs potentiels en rivalité avec une infinité d’autres produits, informations, divertissements, jeux, films, activités qu’il est possible de trouver sur le web.

On dit souvent que le web a fait sauter les barrières à la diffusion pour tous les biens susceptibles d’être numérisés, en supprimant la difficulté liée à l’acheminement de produits physiques. Et c’est vrai. Cependant, une autre barrière se substiitue à celle, très élevée, que constituait la distribution du livre physique: et c’est tout simplement la difficulté à assurer la visibilité des livres, physiques ou numériques, sur le web.

La meilleure manière d’abaisser cette barrière, c’est d’apporter le plus grand soin à la qualité des métadonnées de nos livres. La condition sine qua non de la visibilité. Cette importance des métadonnées n’est pas encore suffisamment perçue dans les maisons d’édition.

Qu’est-ce qui fait la qualité des métadonnées: c’est à la fois leur richesse et la manière dont elles sont présentées. Ce qui est nécessaire, c’est d’exposer ces données, pour les rendre susceptibles d’être acheminées vers toutes les destinations où elles offriront aux livres qu’elles décrivent la visibilité dont chaque livre a besoin.

Pour cela, les métadonnées doivent être structurées d’une manière standardisée. C’est parce qu’il est bourré de protocoles, de normes, de standards, que le web est un environnement ouvert, et c’est dans cet environnement ouvert que doit s’installer le nouvel écosystème de l’édition et de la diffusion des livres.

Les métadonnées se réduisent-elles à l’information bibliographique minimale décrivant un livre: titre, auteur, date de publication, ISBN etc.? Ces informations constituent effectivement des métadonnées, c’est à dire des «données à propos des données». Mais les métadonnées peuvent être infiniment plus riches.

Si vous voulez élargir votre vision des métadonnées, consultez la documentation qui accompagne la norme ONIX, qui est LA norme en ce qui concerne les métadonnées. Il est possible de fournir quantité d’informations concernant un livre, et qui vont bien au delà de l’information minimale qui vous vient à l’esprit lorsque l’on évoque les métadonnées.

Si vos métadonnées sont insuffisantes, si elles ne respectent pas les standards en vigueur, vous pouvez publier le meilleur livre qui soit, personne ne le saura, il demeurera invisible sur le web.

Le tournant du numérique ne concerne pas exclusivement le fait de mettre à la disposition de nos lecteurs nos livres en version numérique.

Elle vient bouleverser la manière dont chacun accède à l’information, partage ses goûts, apprend l’existence d’un livre. Tout le dispositif traditionnel qui vise à promouvoir les livres, qu’ils soient disponibles sous forme imprimée ou sous forme numérique mérite d’être revu.
Là aussi, il ne s’agit pas de substituer brutalement les nouvelles pratiques aux anciennes. Les voies traditionnelles utilisées par les équipes marketing et les attachés de presse ne peuvent être abandonnées. Ces équipes continuent de se battre pour obtenir une critique dans un journal, le passage d’un auteur dans une émission de télévision. On continue de faire de la publicité sur les supports traditionnels. Simplement, à ces moyens traditionnels de promouvoir les livres s’en ajoutent d’autres, qui nécessitent des savoir-faire nouveaux. Les médias ne sont plus seuls à être en mesure de mobiliser l’attention du public. Le web permet aujourd’hui à chacun de publier très facilement de l’information. L’époque du «un parle à beaucoup» n’est pas révolue, mais celle du «beaucoup parlent à beaucoup» a commencé. Cela a commencé avec les blogs, cela continue avec les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, pour citer les plus connus. D’innombrables conversations s’engagent à chaque instant sur le web : pour y participer, une connexion internet suffit. Mais pour parvenir à mettre en place une stratégie d’utilisation pertinente des réseaux sociaux, il ne suffit pas d’engager un community manager, ce qui présente déjà quelques difficultés, car la fonction est si récente que les community managers sont pour le moment autoproclamés, et qu’aucun ne peut se targuer d’une longue expérience et aligner des références.

Les meilleurs community managers ne sortent pas d’une école. Leur école, c’est le web. Les meilleurs communitiy managers pratiquent le web depuis longtemps. Ils ont tenu un blog dès le début des années 2000. Ils ont découvert Facebook avant vos enfants. Ils ont testé Twitter sans bien savoir à quoi Twitter allait bien pouvoir servir. Ils ont appris les codes, la simplicité de ton, la familiarité respectueuse, la manière de parler de soi sans exposer sa vie privée, le mix idéal entre échanges sérieux et plaisanteries sans conséquence. Ils ont appris que pour être entendu il faut écouter, que pour recevoir il faut donner, que pour être suivi il faut suivre, que pour que les gens s’intéressent à vous il faut s’intéresser aux gens.

Ce dont tout éditeur peut rêver, c’est que l’un de ses auteurs se reconnaisse dans cette description du community manager idéal, ainsi l’auteur sera en mesure d’animer lui même la communauté de ses lecteurs, et ira probablement au delà, créant des connnexions avec d’autres auteurs, développant en ligne une activité parallèle à son activité liée à la publication de son livre.

Ce que tout éditeur peut craindre également, c’est qu’un tel auteur choisisse, si son éditeur n’est pas en mesure de lui offrir quelque chose de plus que ce qu’il crée lui même, de se passer de lui, et de se tourner vers d’autres acteurs pour distribuer, diffuser et vendre ses prochains livres.

Le défi est là aujourd’hui : être en mesure d’entrer en résonance avec la présence en ligne que certains auteurs ont naturellement développée, en leur proposant des services qui leur feront gagner du temps et de la visibilité, tout en mettant en place des pratiques de community management au service de ceux des auteurs qui ne se préoccupent pas de ce qui se passe sur le web, ou ne désirent pas y passer du temps.

Les questions demeurent nombreuses : chercher à développer et animer des communautés peut se faire autour d’un auteur, d’une collection, d’une marque. Quelle granularité adopter ? Faut-il faire un travail fin de segmentation des publics de nos publications, et partir à la recherche de ces publics ? Combien peut-on animer de communautés en même temps ? Combien de conversations simultanées ? A chacun, selon le genre de livre qu’il publie, selon la connaissance qu’il a de ses lecteurs, de choisir sa stratégie. Mais la règle demeure, quelle que soit la nature de la communauté que l’on souhaite animer : donner, s’engager, être sincère, et surtout laisser tomber le langage formaté du marketing traditionnel.

Le risque existe : si l’éditeur ne se soucie pas de son existence en ligne, s’il ne fait pas partie de la conversation, il s’exclut lui-même, il tourne le dos à son avenir, et prend le risque que ses auteurs lui tournent le dos, tôt out tard.

Changer nos manières de travailler, c’est aussi s’interroger sur ce qui, dans notre travail, doit absolument être préservé.

Innover, cela ne signifie pas abandonner ce qui fait la valeur et la beauté de ce métier.

Notre curiosité, notre écoute, notre sensibilité, qui nous mettent sur la piste des meilleurs auteurs.

Notre capacité à les reconnaître et à opérer des choix.

Notre savoir-faire éditorial, qui accompagnera ces auteurs vers le meilleur de leur art, et leur manuscrit vers sa forme définitive.

Notre habileté à donner ensuite au texte la forme qui lui convient, et à apporter le plus grand soin à ce qui sera proposé au regard du lecteur.

Notre volonté de permettre la rencontre entre ce travail et le plus grand nombre possible de lecteurs.

Nous avons longtemps été des «gate keepers»: sans nous, il était très difficile pour un auteur d’atteindre son public. Ce temps est révolu, avec l’avènement du web. Si nous ne voulons pas donner raison à ceux qui nous appellent des dinosaures, nous devons plonger dans cet univers et en apprendre les méandres et les arcanes, nous devons être en mesure d’y transposer nos savoir-faire.

La forte complexité des formats et des enjeux, nous en faisons un atout si nous la comprenons et la maîtrisons.

Les nouvelles formes de médiation, les nouvelles instances de validation, nous pouvons travailler avec elles si nous les identifions et apprenons à les comprendre et à les respecter.

Mais nous ne faisons rien de tout cela tout seuls: il est indispensable de travailler en partenariat avec des acteurs qui possèdent des compétences complémentaires aux nôtres, en particulier dans le domaine des technologies.

Changer, cela ne nous oblige en rien à cesser d’être nous-mêmes: notre seule chance de continuer à exister dans l’univers culturel et technologique qui est en train d’advenir, c’est bien de demeurer nous-mêmes et de savoir changer, et c’est aussi de savoir nous ouvrir aux collaborations, échanges, partenariats qui enrichiront notre expérience et nos offres.

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Changer nos manières de travailler – TOC – Francfort 2010 1/2

Intervention présentée à l’occasion de la conférence Tools of Change for Publishing à Francfort le 5 octobre 2010. J’ai parlé sur les images que je replace ci-dessous. Les parties indiquées en gras étaient également insérées dans des slides qui venaient s’intercaler entre les images. (Version française) – Partie 1.

Je déteste le changement. Comme vous. Secrètement, profondément, je déteste devoir changer d’habitude. Je bénis secrètement l’ensemble des routines qui me permettent de ne pas réfléchir à chaque fois que je désire agir. Et surtout, je déteste le changement lorsqu’il m’est imposé, lorsque il vient de l’extérieur.

Aujourd’hui, l’ensemble du secteur de l’édition est confronté à la nécessité de changer. Et c’est d’autant plus difficile, que ces changements viennent de l’extérieur.

Jusqu’à une date récente, le numérique, c’était pour les autres. Les autres industries culturelles, comme la musique ou le cinéma. Les autres secteurs de l’édition, comme le secteur STM.

Le changement, ce n’était pas pour nous. Nos lecteurs, de fiction et de non fiction, jamais ne souhaiteraient lire sur autre chose qu’un livre imprimé, cet objet parfait.


Aujourd’hui, Google est devenu un verbe, et si Facebook était un pays, ce serait le quatrième pays le plus peuplé du monde…

Qu’avons-nous à proposer aux habitants de ce pays sans frontière ? A ceux qui ont une vie en ligne, que la lecture sur écran ne rebute pas, qui prolongent sur le web leur existence avec le plus grand naturel ?

Aujourd’hui les terminaux sont là, qui permettent une lecture immersive suffisamment confortable.

Lorsque une offre de qualité est disponible en numérique, ainsi qu’un moyen simple d’y accéder, le marché peut démarrer.

C’est ce qui s’est passé aux USA: le lancement du Kindle qui proposait à la fois une expérience de lecture suffisamment confortable, et une expérience d’achat très simple parmi un vaste catalogue de qualité , a été le signal de départ d’une augmentation rapide des ventes de livres numériques. L’arrivée d’autres offres, celles de Barnes & Noble, celle de Borders, et enfin le lancement spectaculaire de l’iPad et de son iBook store, et les baisses de prix des liseuses qui ont suivi, ne vont qu’amplifier le phénomène.

En France, ce marché en est encore à faire ses tout premiers pas.

Plusieurs raisons à ce décalage:

1) Il n’y a pas eu ici d’équivalent à «l’effet Kindle»: il n’y a pas encore de liseuse e-Paper connectée.
2) le catalogue d’Œuvres disponibles est encore limité
3) Ici, les groupes d’édition sont aussi des groupes de distribution, qui souhaitent développer chacun une activité de distribution numérique. Cela a abouti à une multiplicité de plateformes de distribution numérique, chacune liée à un groupe, et à une complexité dans la présentation de l’offre aux revendeurs.
4) Il existe un différentiel de TVA important entre le livre imprimé et le livre numérique. Du 5,5 % auquel les éditeurs étaient habitués, on passe à 19,6%, alors que le lecteur attend un livre numérique sensiblement moins cher que sa version imprimée. Même en pratiquant un prix identique à la version imprimée, ce qui n’est pas acceptable par le lecteur, le revenu net de l’éditeur diminue.
6) Nous vivons en France depuis 1981 sous le régime de la loi Lang, qui permet à l’éditeur de fixer lui même le prix des livres, et interdit aux revendeurs de pratiquer des ristournes supérieures à 5%. Une loi qui a permis, car telle était sa raison d’être, que la librairie puisse continuer d’exister face aux grandes surfaces culturelles et aux hypermarchés.

Depuis bientôt trente ans, les éditeurs fixent le prix des livres. Jusqu’à présent, le livre numérique n’entrait pas dans le cadre de cette loi.

Un projet de loi visant à réguler de la même manière le livre numérique vient d’être déposé au Sénat.

Quelques raisons de penser que les choses vont s’accélérer en 2011 :

– multiplication des canaux de vente
– enrichissement de l’offre
– arrivée de l’iPad
– diffusion prochaine de plusieurs liseuses connectées
– ouverture d’un site des libraires indépendants
– accords en cours pour la mutualisation des catalogues
– ouverture d’un hub inter-plateformes
– projets de mise en place de librairies numériques par de nombreux acteurs
– proposition de loi sur le prix unique du livre numérique déposé au Sénat.
– loi concernant l’alignement de la TVA du livre numérique sur celle du livre imprimé également en projet.

Il est donc fort probable que nous allons connaître, nous aussi, notre «moment ebook».

Le ‘moment ebook’ est le premier pas : construire une offre numérique est une opportunité pour les éditeurs d’initier le changement.

Cet effort doit s’inscrire dans une vision plus large du futur de la lecture, et doit s’accompagner d’une prise de conscience des profonds bouleversements qui modifient notre environnement.

Tous ceux qui parmi vous ont vécu ou vivent ce moment de mise en route savent que c’est un moment difficile, que les obstacles sont nombreux, de tous ordres, et qu’il faut une volonté forte et une conviction sans faille pour le réussir.

Pourquoi parler de «moment ebook»? Parce que le livre, une fois qu’il se sépare du support qui a été le sien depuis plusieurs siècles, va probablement connaître des transformations, de forme, d’usage, que nous ne soupçonnons pas aujourd’hui.

Mais le premier pas est celui-ci : offrir des versions numériques de nos livres à nos lecteurs, de sorte qu’ils puissent les lire sur le terminal de leur choix. Rien de bien révolutionnaire en apparence. En réalité, de très nombreuses évolutions dans la manière dont nous travaillons.

Pour donner un exemple, j’aimerais reprendre ici les paroles de Laura Dawson, citées sur son blog par Donn Linn : « When are we going to be able to go to meetings like this and not hear about someone beginning to use an XML workflow, setting up a Digital Asset Management system or getting their metadata organized properly without its being treated as something unusual and remarkable?»

Je partage tout à fait cette impatience de Laura. Et l’exemple de la mise en place d’un DAM illustre parfaitement ce que je veux dire quand je parle d’obstacles.

Il faut avoir une vision de l’avenir pour décider d’implanter un DAM : c’est un investissement important. Mais sa mise en place n’est rien, en comparaison de l’effort nécessaire pour que cet outil soit adopté et utilisé. Typiquement, il est nécessaire de former tous ces utilisateurs, pour qui l’utilisation du DAM va apparaître comme une gêne, une complication superflue, un de ces multiples tourments que les gens semblent inventer chaque jour pour vous compliquer le travail. Et les utilisateurs ont raison : la seule manière d’obtenir d’eux l’effort immense que constitue le fait de changer ses routines de travail, c’est de leur démontrer que cet effort, une fois devenu une nouvelle habitutde, comporte pour eux des bénéfices, qu’ils ne pourront apercevoir qu’une fois que l’ensemble des équipes aura effectué le changement.

Dans le groupe dans lequel je travaille, des dizaines de formations ont été organisées, avant que l’archivage des projets dans le DAM commence à devenir systématique. Et ce n’est pas fini : je parlais l’autre jour avec une attachée de presse qui me disait ne jamais l’utiliser, alors même qu’elle avait reçu la formation. Elle n’avait tout simplement pas été assez loin dans la courbe d’apprentissage pour que lui apparaisse la réalité des bénéfices qu’elle pouvait y trouver. Ma conclusion dans ce cas est toujours de me dire, non pas «mais ils ne comprennent rien». C’est de me dire : «Visiblement, le message n’est pas passé, nous n’avons pas été assez loin, nous n’avons pas assez bien expliqué, montré, il faut accompagner encore.»

Ce « moment ebook» n’est pas très glamour. De l’extérieur, ça paraît assez simple. Vous qui êtes ici, vous savez tous qu’il n’en est rien. Deux actions doivent être menées en parallèle, l’une qui consiste à mettre en place de nouveaux process pour que chaque nouveauté sorte simultanément en version imprimée et en version numérique. L’autre consiste à numériser le fonds. Mon propos ici n’est pas de vous détailler les process, mais de témoigner de différentes options stratégiques qu’il est possible d’envisager pour ce faire.

L’une consiste à mettre en place une équipe dédiée, à faire intervenir des spécialistes, afin de ne pas perturber la filière traditionnelle. C’est cette équipe qui va se charger de contacter les auteurs afin d’obtenir les droits numériques. C’est elle qui va récupérer les fichiers des livres imprimés, décider du format, choisir la charte graphique numérique, contacter un sous-traitant pour la conversion, effectuer les contrôles de qualité. C’est une jeune équipe brillante, ils vont vite. Ce sont « les gens de l’informatique ». Ils ont le vocabulaire. Ils connaissent le dédale des formats, les complications des DRM, ils parlent de CSS et de DTD.

Pendant ce temps, les équipes traditionnelles ne sont pas dérangées, et continuent de pratiquer leur métier sans se préoccuper des changements qui sont pris en charge par «les gens du numérique».

Il existe une autre façon de procéder. Elle est plus lente. Elle demande infiniment plus d’efforts.

Elle consiste à ennuyer dès maintenant les éditeurs avec le numérique. Certains seront mécontents, dans un premier temps. et vous diront : j’ai des livres à faire. Depuis des années que je m’occupe de numérique, depuis la vieille époque du CD-Rom, c’est la phrase que j’ai entendue prononcée le plus souvent dans les différentes maisons d’édition où j’ai travaillé : «j’ai des livres à faire.».

Oui, vous avez des livres à faire. Je sais. Voulez-vous que vos livres soient lus ? Savez-vous que demain, de plus en plus de lecteurs liront en numérique? Est-ce que vous ne vous sentez concerné que par les lecteurs qui préfèrent l’imprimé ? Est-ce que votre auteur n’a pas envie que vous veilliez à la qualité de présentation de son livre sur tous les supports où il apparaîtra ?

Oui, l’autre option, c’est de faire en sorte que le changement vienne transformer de l’intérieur les pratiques des éditeurs. C’est de travailler à ce que la perception que chacun a de son métier évolue.

Il ne s’agit évidemment pas de transformer les éditeurs en développeurs. Ni de leur demander d’écrire une DTD. Et il y a bien sûr besoin, pendant une longue période, que des personnes spécialisées les accompagnent au quotidien dans la mise en place du changement.

Mais cette équipe est là, non pour se substituer aux éditeurs, mais pour transmettre les connaissances et les savoir-faire qui permettront, progressivement, aux éditeurs de changer leur façon de travailler, de s’approprier le changement.

Les éditeurs, par chance, sont habitués à vivre dans l’incertitude. Chaque projet éditorial est une aventure. Le succès n’est jamais garanti. Ils font des paris. Ils s’engagent. Ils prennent des risques. Si on prend la peine de leur présenter et de leur expliquer les enjeux du numérique, si on leur donne une chance de s’en emparer, ils le font. Les choses ont déjà beaucoup bougé. Il n’est plus besoin de définir chaque acronyme, chaque mot technique. Le premier signe indiquant que l’appropriation du changement est en cours, c’est lorsque l’on constate que le vocabulaire devient partagé, lorsque les mots qui faisaient peur se banalisent. Le virage se prend. (voir la partie 2)

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